Roman autobiographique,  Romans

Bandini -John Fante

Roman autobiographique de l’adolescence de John Fante.

Thème : Enfance, immigration italo-américaine, famille, religion, pauvreté.

John Fante - Bandini

 

Résumé

Bandini, c’est la vie misérable, les frasques du père joueur, alcoolique, coureur et souvent violent qui dilapide le peu qu’ils ont, la mère soumise et bigote qui vit accrochée à son rosaire certaine de voir ses prières d’exaucées. Alors quand pour gagner quelques dollars le père effectue quelques travaux chez une riche veuve, tout déraille.
Les 3 enfants doivent faire avec la pauvreté, la faim, le froid, les ardoises qui s’empilent chez l’épicier et leurs parents démissionnaires.

Arturo, alter ego de John Fante, conte et romance sa terrible adolescence dans cette Amérique des années 20/30. Ça aurait pu être un mélodrame mais non ! Ce fougueux ado révolté oscille entre méchanceté et naïveté, entre adoration de ses parents et rejet, entre l’amour fou qu’il ressent pour Rosa qui ne le regarde pas et l’envie de la voir mourir.
Il rêve d’échapper à son statut de migrant italo américain pauvre, à sa petite taille, et court à confesse quasi quotidiennement pour tenter de s’éviter l’enfer divin auquel il pense être immanquablement condamné à cause de ses innombrables mensonges, bêtises et mauvaises pensées.
 

“C’était déjà un handicap d’avoir des tâches de rousseur mais, à sa connaissance, il était le seul rital affligé de tâches de rousseur. Qui donc lui avait refilé ces horribles taches ? De quelle branche de la famille avait-il hérité ces petites marques cuivrées et dégradantes ?”

 

3 adjectifs qui résument le livre

Rageux : Arturo, le double littéraire de John Fante, en profite pour écrire sur ces parents d’une plume cinglante

Tendre : Mais derrière les coups de griffe de l’auteur, on sent l’immense émotion et admiration qu’il leur voue et qui le traverse à évoquer ces adultes plein de failles et, à la fois, plein de forces qu’étaient ces parents. Le livre leur est même dédicacé.

Drôle : Le regard sans concession porté sur son enfance par ce garnement lui-même pris dans ses propres contradictions rend le récit lumineux et plein d’humour.

 

Ce que j’en pense

On a tous des auteurs qui nous bousculent et John Fante fait indubitablement partie de ceux-là. On ne peux que reposer le livre en se demandant: “Comment est-il possible d’avoir vécu jusque-là sans même savoir qu’il existait?”. En tout cas, c’est mon cas !

J’avais lu, il y a quelque années, “Mon chien stupide” en me demandant qui pouvait bien être cet obscur écrivain américain qui pouvait nous faire lire, sans nous faire mourir d’ennui, un roman consacré à son chien mais je n’avais pas poussé la curiosité plus loin.

Pourtant ils sont nombreux ceux qui marquent notre époque et qui ont été influencé par l’œuvre de John Fante : de Budowski qui le découvrit par hasard à la bibliothèque municipale et en fit un modèle à Coppola qui l’invita à diner chez lui. Son écriture sans fioriture et limpide qui est capable d’exprimer à la fois la rage et l’émotion en fait un auteur unique, qui se prenait lui-même pour Hemingway mais ne fut vraiment reconnu et popularisé qu’après sa mort. Il vécut de sa plume surtout grâce à Hollywood pour lequel il écrivit beaucoup par nécessité économique. Lucide, il en fera d’ailleurs un truculent roman “Rêves de Bunker Hill”, dont je vous parlerai très bientôt également.

Publié en 1938, Bandini est son premier roman. Il avait écrit auparavant “La route de Los Angeles” mais son manuscrit sera refusé partout car jugé trop cru et édité seulement en 1984 après sa mort.

Ce roman qui marque le début de l’œuvre de Fante est en grande partie dédiée à l’histoire de sa famille italienne immigrée aux Etats-Unis. Cette famille qui poursuit un rêve américain qui ne se réalise jamais et qui est aux prises avec la pauvreté, avec ce climat extrêmement rude du Colorado qui empêche le père d’exercer son métier, avec le tempérament volcanique du père et ses frasques, avec le bigotisme de la mère qui vit tous ces événements accrochée à ses prières et à son rosaire. La religion restera toujours importante pour John Fante qui montre combien les 10 commandements pouvaient tourmenter l’adolescent indiscipliné qu’il était, persuadé de tomber foudroyé par la main divine pour cause d’excès de péchés et qui courrait quotidiennement à confesse pour essayer de sauvegarder son âme. Heureusement pour nous, la tentation de péché, l’égo, le mensonge et toutes les mauvaises pensées qui pouvaient l’assaillir ne renonçaient pas pour autant à l’habiter, ce qui nous donne un récit sans concession, cinglant et drôle sur cette famille.

Ce roman révèle toute la mécanique de fonctionnement de la famille Fante, coincée entre un père égoïste et souvent infect et une mère victime née qui par son comportement soumis et bigot autorise le père à toutes les frasques puisqu’elle est capable d’encaisser sans rien dire par dévotion pour son mari.

“L’homme que tu as épousé est une brut, un animal. Mais comme il a épousé une imbécile, j’imagine qu’il s’en tirera toujours.”

Les enfants sont les grands oubliés, souvent plus adultes que leurs propres parents. Chacun se raconte donc sa propre histoire dans laquelle il se complait et la famille “roule” ainsi de déconvenues en mauvais coups du sort, d’auto-justifications en prières. Chacun a un fonctionnement un peu obsessionnel : le père avec l’alcool et le jeu, la mère avec son rosaire, Arturo avec ses besoins de confessions. La religion tient une place énorme dans cette famille créant espoirs et culpabilité selon le comportement des protagonistes. John Fante aura lui-même fort à faire avec cette question tout au long de sa vie.

“Arturo Bandini était quasiment certain de ne pas aller en enfer après sa mort. Pour aller en enfer, il fallait commettre un péché mortel. Certes, il croyait en avoir commis beaucoup, mais le confessionnal l’avait sauvé à chaque fois. Il se confessait toujours à temps – c’est à dire avant de mourir.

Ainsi Arturo était quasiment certain de ne pas aller en enfer après sa mort. Pour deux raisons  un, le confessionnal; deux, parce qu’il était excellent sprinter.”

Cette famille qui flirte constamment avec la déroute ou le naufrage, qui survit grâce aux ardoises chez les commerçants, réussit néanmoins à ne pas sombrer dans le mélodrame. La fougueuse et parfois naïve personnalité d’Arturo relatant avec émotion et une certaine forme d’autodérision cette épopée familiale, permet au roman de ne pas céder le pas à la tristesse et l’accablement, voire à l’amertume. Arturo n’hésite pas cependant à épingler les travers détestables de sa famille et se trouve confronter à l’ambivalence de ses sentiments à l’égard de ses parents. A la fois il admire sa mère pour l’extrême fidélité et dévotion qu’elle témoigne à son mari, tout comme il lui reproche de se désintéresser de tout pour se réfugier dans la prière au lieu de relever la tête. De la même manière, il craint et haït la violence et les frasques de son père mais ne peut s’empêcher d’être fier de sa volonté d’échapper à la médiocrité.

“Nom d’un canard boiteux, il paraissait en pleine forme  Il portait des chaussons rouge vif, un pyjama bleu et une robe de chambre rouge avec une ceinture à glands blancs. Nom d’un caneton boiteux, on aurait dit Helmer le banquier ou le président Roosevelt. On aurait dit le roi d’Angleterre. Bon Dieu, quel mec ! Quand son père fut rentré en refermant la porte derrière lui, ses doigts s’enfoncèrent avec délice dans la terre, et ses dents malaxèrent les aiguilles de pin acides. Dire qu’il était venu ici pour essayer de ramener son père à la maison. Il avait donc perdu la tête. Pour rien au monde, il n’aurait profané l’image de son père rayonnant dans la splendeur de ce nouveau monde. Sa mère devait souffrir ; ses frères et lui-même auraient faim. Mais leur sacrifice serait récompensé. Ah, quelle vision merveilleuse !”

Ce roman écrit avec “les tripes et le cœur” dira Charles Budowski est tout autant bouleversant et cinglant qu’il est tendre et drôle. C’est ce qui en fait sa particularité et son intérêt.

J’ai eu un peu de mal avec la première partie que j’ai trouvé un peu longue mais ensuite plus moyen de lâcher ce livre jusqu’à la dernière ligne.

CULTE, bien évidemment !! ♥♥♥♥♥ 

 

Bandini John Fante

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BANDINI – JOHN FANTE – Editions 10/18

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