Roman autobiographique,  Romans

Einstein, le sexe et moi – Olivier Liron

Dans ce roman autobiographique bouleversant et plein d’humour, Olivier Liron aborde la violence de la différence, le fascisme de la norme et sa renaissance à travers sa participation au jeu de “questions pour un champion”.

Thème : Différence, violence, norme, autisme Asperger, Questions pour un champion, jeu télévisé, Julien Lepers.

Einstein, le sexe et moi - Olivier Liron

Einstein, le sexe et moi – Olivier Liron

 

Résumé de l’éditeur

 

“Je suis autiste Asperger. Ce n’est pas une maladie, je vous rassure. C’est une différence. Je vais vous raconter une histoire. Cette histoire est la mienne. J’ai joué au jeu télévisé Questions pour un champion et cela a été très important pour moi.”
Nous voici donc en 2012 sur le plateau de France 3 avec notre candidat préféré. Olivier Liron lui-même est fort occupé à gagner ; tout autant à nous expliquer ce qui lui est arrivé. En réunissant ici les ingrédients de la confession et ceux du thriller, il manifeste une nouvelle fois avec l’humour qui est sa marque de fabrique, sa très subtile connaissance des émotions humaines.

 

2 adjectifs qui résument le livre

 

Pétillant : Comment ne pas succomber à ce “doux dingue” à la mémoire phénoménale qui enregistre les plaques d’immatriculation comme personne, se passionne pour l’ornithologie et la botanique et trempe une madeleine dans le coca pour se remettre de ses émotions ? L’autisme asperger conté avec légèreté et humour pour dédramatiser ses particularités qui peuvent en effrayer certains et montrer la richesse de la différence.

Emouvant : Les anecdotes et les douloureuses confessions de l’auteur qui ponctuent le récit de ce jeu télévisé sont autant d’occasions d’appréhender la difficulté qu’il y a à vivre dans cette société hyper normée pour quelqu’un qui par nature ne peut y entrer.

 

Ce que j’en pense

 

Quand j’ai refermé le livre d’Olivier Liron, j’ai immédiatement pensé à la chanson “Loterie” de Fauve :

 

De ma fenêtre, je vois un bout de l’enceinte de l’hôpital
Si je penche un peu la tête / je peux peut-être arriver à voir le bâtiment des consultations
Je repense à toutes ces fois où on m’a dit : « T’es trop sensible / mais ça va aller / fais pas cette tête… Bon OK ce sera pas tous les jours la fête »
Et le docteur de la tête / qui me répète / que c’est comme ça / qu’il faut que je l’accepte / que c’est comme le diabète / qui faut vivre avec
Alors j’essaie / chaque jour que Dieu fait / et j’ai pas dit mon dernier mot / t’inquiètes / y a rien d’écrit / et nique la voix qui me dit :
« Tu seras schizo / bipolaire / trop fragile / suicidaire / tyrannique / incurable / repoussant / pas regardable
Tu seras sadique / narcissique / voyeur / pervers / égocentrique / destructeur / dépressif / obsessionnel compulsif
Tu seras damné / condamné / étendu sur la chaussée / déformé / mal branlé / démoli / trois fois rejeté
Tu seras ce qu’on te dit / tu discutes pas / ici-bas c’est comme ça
T’as compris le jeu petit merdeux ? C’est la roulette / tu choisis pas »
Ah ouais ? Tu crois ça ?
Et bah écoute / je sais pas pour toi / mais pour moi / ce sera
La tête haute / les couilles sur la table / le poing en l’air / fais-moi confiance avant de finir six pieds sous terre
J’aurai vécu tout ce qu’il y a à vivre et j’aurai fait tout ce que je peux faire
Tenté tout ce qu’il y à tenter / et surtout on m’aura aimé

Parce que l’histoire d’Olivier c’est certes celle du plus jeune mec qui a remporté plusieurs fois de suite “Questions pour un champion” mais c’est surtout une histoire de fauves. Car Olivier est un fauve enfermé dans un corps d’humain. Mais le plus beau, le plus noble, un de de la race des seigneurs, de ceux que la solitude accompagne inévitablement. Rien à voir avec ceux qu’il a dû affronter dans la cour de récréation, ceux qui se sentent plus forts parce qu’en meute.

Alors oui il a envie de déchirer ceux qui le maltraitent d’un coup de crocs mais c’est avec ses mots qu’il va le faire. C’est aussi avec ses mots qu’il va se sauver. La littérature sauve mais l’écriture aussi.

« Le déclenchement de l’écriture est lié à la sensation intime de l’horreur »

Et puis c’est en misant sur ses forces qu’on fait justement la différence et qu’Olivier va se relever et rien que cela, c’est un formidable message d’espoir pour tous ceux qui se sentent écrasés, souffrent d’être différents. Qu’est ce qu’on fait de cette différence dans une société de la norme ? On en fait une signature, une marque de fabrique et on développe ses talents naturels !

Ce qui m’a le plus fasciné dans le parcours d’Olivier, c’est cette lumineuse sauvagerie. D’ailleurs regardez le sourire, vous pouvez y voir les deux : la lumière et le sourire du fauve. Olivier Liron c’est une force de vie, celle qu’on ne peut pas faire entrer dans une case parce qu’elle déborde de partout. D’ailleurs il a tous les talents, celui de la vie et les autres. Il a surtout le talent de savoir se faire aimer. Un comble pour celui dont on attachait les oreilles avec du fil barbelé parce qu’il était différent. Cette différence c’est celle d’être autiste asperger et ça se complique d’une histoire d’oreilles décollées. Parce qu’à la loterie on ne gagne pas toujours le gros lot. On comprend qu’il ait eu envie de jouer à nouveau pour changer la donne ! Son terrain de jeu et de reconquête ? Ce sera “Questions pour un champion”, histoire de se refaire.

Est-ce qu’il avait conscience lorsqu’il s’est enfermé dans son appartement, dans le noir, avec pour seul aliment Wikipédia et du gazpacho en brick, qu’il lui faudrait remporter ce jeu pour gagner sa liberté, celle de pouvoir écrire sans avoir à se préoccuper de comment gagner sa vie ?

Pour lui, il s’agit simplement de survie au départ et pourtant je ne cesse de me dire que ce qui n’est pas dit, c’est tout simplement qu’il a trouvé une solution non académique et utilisé ce pour quoi il est plus doué que personne, (enregistrer des informations) pour avoir les moyens de faire ce qu’il avait envie de faire. Comme les joueurs de poker professionnels finissent par faire de leur maîtrise du jeu un moyen d’assurer leur subsistance.

Cette solution hors des chemins battus, atypique, ressemble tellement à Olivier… Quel autre écrivain aurait pu imaginer cette voie pour accéder à la liberté d’écrire ? Tout en écrivant me trotte en tête une phrase de René Char : “Agir en primitif, prévoir en stratège”. La survie puis l’offensive.

 

 

Et puis il ne s’agit pas seulement d’écrire magnifiquement mais aussi de faire bouger les mentalités en racontant d’une manière drôlissime et terriblement émouvante son histoire : celle de la violence de la différenciation et de l’exclusion. 

“Face à la violence du monde, que peut la littérature ? Je n’ai pas la réponse. Mais l’écrivain doit faire deux choses. Ne pas mentir sur ce qu’il sait. Jamais. Et lutter de toutes ses forces contre l’exclusion. Quoi d’autre sinon cela ? »

Car il s’agit bien de violence, celle quotidienne que font endurer nos enfants dans la cour de récréation à tous ceux qui ne leur ressemble pas. Et cette violence là c’est celle de cette fameuse norme que nous leur inculquons à longueur de journée et sur laquelle nous fermons les yeux car il est trop dérangeant d’imaginer que nous pourrions en porter la responsabilité. Nous ne pouvons pas fabriquer des tyrans croyons-nous ? Et pourtant … quand ils ne sont pas des tyrans, ils sont lâches : pas un seul d’entre eux pour s’opposer et soulever les autres pour défendre celui qui est attaqué (si ce n’est dans leur tête). La réalité c’est celle-là : on apprend à nos enfants à ne surtout pas sortir du rang pour qu’ils s’intègrent le mieux possible parce que cette peur là est plus importante que toutes les autres et du coup ça “autorise” plus ou moins certains à trouver légitime de maltraiter, d’ostraciser et d’exclure ceux qui sont différents ou de s’incliner devant la loi du plus grand nombre ou du plus fort qui maltraite, ostracise ou exclut par peur d’être à leur tour l’objet d’une mise à l’index. Si on décidait brusquement de changer les règles et de valoriser le courage et l’audace, il n’y aurait plus, c’est certain, beaucoup de bons élèves. Mais quand on regarde ce qui se passe dans les entreprises, on comprend bien qu’on ne peut pas demander à ces adultes de transmettre à leurs enfants ce dont eux-mêmes sont incapables… Une même éducation, un même résultat. L’espoir que porte la nouvelle génération c’est justement qu’elle ne s’éduque plus seulement au contact de la famille et de l’école et ça risque, pour une fois, de donner des résultats vraiment surprenants dans tous les sens du terme.

Oui cette question m’énerve un peu et même beaucoup ! Mais il vaut mieux en rire qu’en pleurer. Et puis  le rire ça rend toujours les gens plus bienveillants à votre égard, c’est une des leçons que retiennent beaucoup des victimes de cette violence. Mais surtout, le rire, c’est la résilience

Alors comment ne pas être bouleversée par la cruauté des sévices physiques et pire, par celle des mots qui pénètrent profondément et durablement ! “Gogol” c’est celui qu’on lui a réservé !

C’est marrant, je parle du corps, mais j’ai l’impression que les mots ont encore plus de pouvoir que les coups, que les mots sont les coups qui ne partent jamais, les plus indélébiles, les plus violents pour le corps, justement. Je pense que le mot que j’ai entendu le plus jusqu’à mes quatorze ans est « gogol”

5 lettres qui risquent de tuer et nient toute la complexité de l’être unique et exceptionnel qu’il est, celui qui finira par s’enfermer dans le noir pour ingurgiter des milliers d’informations pour se sauver de ce mot et renaître.

 

« Je me suis rempli la tête d’informations pour peupler ma solitude. Pour oublier l’essentiel, pour dompter l’absence et le chagrin. Comme si apprendre des milliers d’informations sans queue ni tête, peupler la mémoire était un réflexe de survie. »

Ce sera dans un jeu télévisé ? Oui, il n’y a pas de bonne ou de mauvaise manière de faire, il y a juste celle qui convient à chacun. Là aussi il n’y a pas de normes.

J’aime cette confrontation d’un esprit brillant avec un jeu populaire car c’est cela aussi la différence d’Olivier Liron : rendre accessible, compréhensible au commun des mortels ce qui nous est hors d’atteinte (car qui de nous sait réellement ce que c’est que d’être autiste asperger ?) et de le magnifier par la grâce de l’émotion et du rire.

Car Olivier Liron est beau de sa différence, de son extrême sensibilité, de cette incroyable intelligence, de ses forces et de ses faiblesses. Sa solitude, sa tristesse, sa différence, son mal de vivre, il les a transcendé en lumière pour briller encore plus fort et nous éclairer avec bienveillance.

Olivier Liron est un astre qui rêve d’interférer dans le cycle des marées de normes qui nous submergent et vu l’engouement autour de ce livre, il est bien en passe de réussir son pari, là aussi !

“Le fascisme de la norme ? La peur de la différence ? Nous n’y sommes pas condamnés. Grâce à la poésie, et c’est ce que j’ai essayé de faire dans ce livre, on peut transformer la vie…..Écrire, pour moi c’est une façon de survivre.”

Un livre non seulement à lire mais à donner à lire à vos adolescents. Lire est toujours un acte de conquête du monde et l’occasion de s’ouvrir l’esprit à une autre façon de le regarder et de l’appréhender.

Et apprendre à ceux que l’on aime, l’empathie, le respect non seulement de la différence mais aussi la nécessité de cultiver sa propre singularité, de développer ses forces et savoir qu’il y a toujours moyen de se relever, c’est quand même le plus beau cadeau que l’on puisse faire.

Un énorme COUP de CŒUR ♥♥♥

 

 

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