Battements de cœur – Cécile Pivot
Roman contemporain et féminin sur une histoire d’amour qui se termine mal.
Thème : Histoire d’amour, couple, famille recomposée, amour fou, séparation, culpabilité, autisme, faille.
Sommaire
Battements de cœur – Cécile Pivot
Résumé de l’éditeur
« Elle aime la ville, lui la nature. Elle aime la mer, lui la campagne. Elle lit beaucoup, lui peu. Elle est bordélique, lui est maniaque. Elle se couche tard, lui s’endort tôt. Elle goûte les bourgognes, lui les bordeaux. Ces dissemblances deviennent vite un jeu entre eux. Ils se séduisent, se défient, tentent de se convaincre qu’ils ne sont pas faits l’un pour l’autre, mais c’est perdu d’avance et ils le savent.»
Tout oppose Anna et Paul, hormis une même habitude des relations sans lendemain. Et pourtant, ces deux grands solitaires vont s’aimer. Passionnément. Un amour si dense, si parfait, qu’il suffirait d’un rien pour qu’il vole en éclats.
2 adjectifs qui résument le livre
Classique : Dans sa composition,le style et le thème, c’est ce qui m’a le plus marqué car il n’y a pas de recherche particulière d’inventivité, mais la psychologie des personnages est particulièrement fouillée.
Emouvant : Tant par la capacité des personnages à saboter leur très belle histoire d’amour en raison de leurs failles, que par la présence de Hugo, le petit garçon autiste.
Ce que j’en pense
Premier roman de Cécile Pivot qui a pour cadre une famille recomposée.
Peut-on encore s’aimer lorsqu’on a 40 ans, des désillusions, vécut le premier échec d’une vie de couple, des enfants et qu’on enchaîne les histoires sans lendemain pour ne plus s’y laisser prendre ?
A priori pour ces deux-là, l’amour fou est encore possible
Anna enchaîne les conquêtes, elle est une brillante éditrice, passionnée et vit pleinement sa nouvelle vie de femme célibataire et indépendante depuis son divorce avec Etienne. Mais au fond d’elle-même, elle n’a pas bien compris la désertion de celui-ci, un abandon qui succède à celui de ses parents. C’est son problème à Anna, elle s’est toujours sentie de trop avec ses parents : mal-aimée, transparente. Elle a alors tenté de combler ce manque en réussissant sa vie professionnelle. Et puis, il y a la naissance du second enfant, Hugo, autiste, sa seconde faille, cette culpabilité d’avoir mis au monde un enfant handicapé. Elle s’en veut de ne pas avoir été capable de faire mieux, comme si le sort s’acharnait sur elle.
Quant Paul la voit, il ne la remarque pas spécialement, elle n’est pas son genre. Il les préfère blondes, plantureuses et éphémères. Il s’est juré de ne plus laisser une emmerdeuse lui gâcher la vie, il préfère se tenir à distance des femmes.
“J’aime les femmes quand elles ne m’en demandent pas trop.”
Pourtant Anna l’attire irrésistiblement, bien que tout les oppose. Et dans ce cas, il est prêt à balayer dix ans de principes amoureux pour se l’attacher.
Mais il est compliqué dans un premier temps de surmonter les barrières que l’un comme et l’autre ont érigé pour se protéger. La peur d’être abandonné à nouveau, de se mettre à nu et de donner, les fait se regarder avec circonspection, épiant l’éventuel faux pas de l’autre qui viendra confirmer que c’était trop beau pour y croire.
Mais si Paul voit la force d’Anna, il voit aussi ses fragilités, notamment combien elle se sent responsable de son fils Hugo qu’elle tente de protéger comme elle le peut. Anna à la “lumineuse mélancolie” comme le lui dit Mathieu, le meilleur ami de celle-ci, et qui enjoint Paul de ne pas abîmer.
“Et peut-être que notre enfance, quelques soient nos succès ultérieurs, finit toujours par nous rattraper.”
Les années passent, Anna et Paul qui s’aiment à la folie parviennent tant bien que mal à éviter les écueils que tend la recomposition d’une famille, puisqu’ils vivent désormais à 6 dans une jolie petite maison. On veut que tout le monde s’entende bien, mais c’est toujours une construction un peu artificielle où l’on marche sur un fil et dans laquelle tout peut facilement imploser. Mais le principal problème, c’est qu’Anna est cyclothymique ! Elle n’a de cesse de chercher à être rassurée, scrute son couple au microscope et au moindre signe d’indifférence de Paul construit une tragédie. C’est alors le drame et celui-ci prend des proportions démesurées : tout est remis en cause.
Et Paul, est ce qu’il est : il fuit, pratique l’évitement, attend que cela passe. Dix ans que leur histoire existe, il ne ressent plus la nécessité de rassurer Anna. Il a tort.
Il ne sait pas qu’il suffisait d’un fait ténu pour faire subitement basculer un équilibre qui semblait solide, alors il ne peut pas comprendre que la mort du père d’Anna a ravivé sa blessure narcissique, sa peur de ne plus être aimée. Elle-même le sait-elle ?
A partir de là, toute leur histoire dégringole. Se mettent en place des mécanismes que Cécile Pivot décortique avec pertinence. On assiste alors au sabotage d’une belle relation, l’un comme l’autre étant incapable de dépasser sa propre logique de fonctionnement. Anna s’enroule dans sa peur et s’y drape pour reprocher sans cesse avec rancœur quelque chose à Paul et celui-ci, au lieu de la raisonner, de la rassurer, de chercher pourquoi elle change autant subitement, renoue avec sa phobie des femmes à problèmes, se tait et fuit. L’incompréhension totale ne peut que s’installer, édifiant une citadelle de colère et de rancune contre l’autre tant aimé, qu’il va devenir difficile de vaincre.
A cette lecture, on réalise que l’histoire d’Anna et Paul est tout à fait universelle et combien nous sommes capables de créer nous-mêmes nos propres “suicides” amoureux.
Car ce n’est pas une histoire de désamour mais l’incapacité d’aller désormais vers l’autre en raison de la construction psychologique antagoniste de chacun qui va provoquer le drame. La peur de perdre la personne aimée va dans le cas de l’un et de l’autre déclencher une réaction contraire à celle que chacun attend. Paul s’enferme dans le mutisme et Anna dans un délire accusatoire plein de fiel, jusqu’à l’inévitable séparation.
Quant aux blessures d’orgueil, elles ne cicatrisent pas. Anna a mis son ego de côté pour que Paul revienne mais elle ne s’en relèvera pas. Les blessures narcissiques sont plus fortes que la raison, elle lui en voudra jusqu’à mettre elle-même le coup de grâce à leur relation déjà chancelante, au moment où Paul s’y attendra le moins.
Chacun va alors affronter la douleur de la séparation et le manque, à sa manière, tout aussi différemment, rendant totalement impossible la moindre possibilité de retrouvailles.
C’est d’ailleurs intéressant de noter combien la colère et la routine sont efficaces pour affronter un chagrin d’amour incommensurable ou enfouir quelque chose qui pourrait nous tirer des regrets. Tout comme la solitude, le refuge dans une cabane au bord de l’eau et les livres sont aussi une belle manière de se reconstruire.
J’ai beaucoup aimé cette lecture émouvante avec des personnages à la psychologie fouillée et leur décryptage. Je pense qu’on a beaucoup de choses à apprendre sur soi et ces derniers temps, j’ai rarement l’occasion de lire des romans intelligents sur la question.
J’ai beaucoup aimé aussi tous les passages sur Hugo, l’enfant autiste, qui sont profondément touchants et montre combien l’autisme est caricaturé alors que ces enfants/personnes sont d’une richesse et une sensibilité inouïe. A noter que c’est le seul personnage de l’histoire qui perçoit vraiment ce que ressent Anna. Cécile Pivot est elle-même maman d’un petit garçon autiste, elle a d’ailleurs écrit un livre témoignage sur le sujet “Comme d’habitude” que j’aimerais beaucoup lire très prochainement. Qu’elle ait voulu que cet enfant différent représente une faille pour son personnage féminin donne encore plus de profondeur à son roman. Vraiment, je vous le recommande !
Et puis comme elle dit qu’on ne devient écrivain qu’à l’écriture d’un second roman, différent du premier, j’attends le suivant avec impatience !
Bilan : ♥♥
ACHETER en occasion sur RAKUTEN
BATTEMENTS DE COEUR – CECILE PIVOT – Editions Calmann Levy
2 Comments
ayok57
Merci pour cette chronique, tu m’as donné encore plus envie de le lire (et pourtant Dieu seul sait à quel point j’en avais déjà envie à la base!)
Emma
Oh tant mieux si j’ai participé à donner un petit coup de pouce dans cette direction !
J’espère simplement que tu ne seras pas déçue car c’est quand même très différent de ce que « vend » la quatrième de couverture, hein.
Bises ♥