Entre deux mondes – Olivier Norek
Roman noir sur fond de Jungle de Calais.
Thème : Migrants, Jungle de Calais, émigration, Syrie, passeurs, police, polar, roman noir, roman engagé
Résumé de l’éditeur
Ce polar est monstrueusement humain, » forcément » humain : il n’y a pas les bons d’un côté et les méchants de l’autre, il y a juste des peurs réciproques qui ne demandent qu’à être apaisées. Bouleversant ! Fuyant un régime sanguinaire et un pays en guerre, Adam a envoyé sa femme Nora et sa fille Maya à six mille kilomètres de là, dans un endroit où elles devraient l’attendre en sécurité. Il les rejoindra bientôt, et ils organiseront leur avenir. Mais arrivé là-bas, il ne les trouve pas. Ce qu’il découvre, en revanche, c’est un monde entre deux mondes pour damnés de la Terre entre deux vies. Dans cet univers sans loi, aucune police n’ose mettre les pieds. Un assassin va profiter de cette situation. Dès le premier crime, Adam décide d’intervenir. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il est flic, et que face à l’espoir qui s’amenuise de revoir un jour Nora et Maya, cette enquête est le seul moyen pour lui de ne pas devenir fou. Bastien est un policier français. Il connaît cette zone de non-droit et les terreurs qu’elle engendre. Mais lorsque Adam, ce flic étranger, lui demande son aide, le temps est venu pour lui d’ouvrir les yeux sur la réalité et de faire un choix, quitte à se mettre en danger |
Sommaire
☆ Pourquoi lire “Entre deux mondes” d’Olivier Norek ?
Parce que c’est surréaliste ! Comment imaginer ce qui se passe réellement quand les images et les reportages se contentent de survoler une situation sans jamais l’approfondir ? La situation dépeinte par le roman d’Olivier Norek montre le traitement complètement ubuesque et inhumain que l’on applique à la question des migrants. Au delà du camp et de la situation des ces personnes qui ont risqué la mort pour arriver chez nous, il y a celle de l’Etat d’abandonner la gestion de cette question à une ville et à sa police locale sans plus s’en préoccuper.
Parce que c’est sensible et profondément humain. A travers les personnages du roman, on appréhende mieux la réalité de ces gens qui sont des humains et qui souffrent au même titre que nous si nous étions confrontés à ce genre de situation. Pourtant le traitement médiatique les enferme sous le terme générique de “migrants”, gommant leurs particularismes, leurs histoires personnelles et éloignent leur réalité de la notre.
☆ Mon avis sur « Entre deux mondes »
Un an que je détenais ce livre dans ma PAL (acheté depuis sa sortie en grand format !
J’aurais vraiment pu économiser !!) sans que je ne me décide à le lire. La couverture qui ne m’inspirait pas, le sujet (la jungle de Calais) qui ne me paraissait pas non plus des plus réjouissant… Bref !
Un livre acheté à sa sortie mais qui prenait tranquillement la poussière sur mon “étagère à lire”. Il a fallu la sortie poche chez Pocket et la perspective d’une rencontre avec l’auteur pour me décider à l’ouvrir. Je l’ai lu ensuite d’une traite, emballée, séduite mais surtout complètement bouleversée par l’histoire d’Adam, Nora, Maya et de Kilani, ce petit soudanais, qu’il a pris sous sa protection.
Comprendre ce qui se passe réellement dans cette zone de non droit, ce que vivent non seulement les migrants, mais aussi les policiers et les habitants de cette ville abandonnée à leur sort par des politiques incapables de résoudre la situation. Le tableau est réaliste et saisissant !
Olivier Norek ne s’est pas contenté d’écrire un roman, il est entré dans la Jungle pendant plusieurs semaines pour s’emparer du réel. Il y a dormi, il a parlé avec les migrants qui ont fini par lui faire confiance mais il a aussi vécu le quotidien des policiers. Ce sont plusieurs mois passés sur place qui lui ont permis de prendre la mesure de la situation. Il ne voulait ni d’un récit journalistique rédigé après un sommaire état des lieux de quelques heures, ni céder à l’empathie facile en faveur d’un camp ou de l’autre. Car il n’y a pas des méchants d’un côté et des bons de l’autre mais des gens qui souffrent et qui gèrent la situation comme ils le peuvent. Qu’il s’agisse des policiers qui font le job oscillant entre épuisement et difficulté à se regarder encore dans le miroir devant l’aberration de ce que l’on demande d’accomplir et des migrants qui ont déjà affronté à tous les dangers pour échapper à la mort et se trouvent bloqués à cette frontière qu’il leur faut franchir coûte que coûte pour rejoindre l’Angleterre.
On apprend alors que l’on dépense annuellement un budget colossal en bombes lacrymogènes (1 million 800 000 euros) pour seulement repousser les migrants et tenter d’assurer le passage des camions qui font chaque soir l’objet de véritables attaques organisées sur cette portion d’autoroute, afin de permettre à certains d’entre eux de tenter de monter à leur bord. En fait, c’est une véritable guerre qui se livre chaque jour entre ces deux camps avec au milieu des chauffeurs routiers terrorisés. Des migrants auxquels on a donné le statut de “réfugiés potentiels”, une création locale qui n’existe nulle part dans la loi mais permet à la fois de ne pas leur reconnaître un statut de réfugié qui leur offrirait une protection légale, tout en empêchant de pouvoir les arrêter car on ne met pas en prison des hommes et des femmes qui sont arrivés là au péril de leur vie. Mais ce n’est pas plus brillant du côtés des policiers auxquels on refuse désormais toute demande de mutation pour les obliger à rester en poste sur Calais car personne ne voudrait rester ici.
Ce que raconte ce roman est surréaliste et réel, et toute la force d’Olivier Norek est d’avoir su le raconter non seulement d’une façon très juste, sans pathos mais surtout sans aucun parti pris pour l’un ou l’autre des camps. L’autre qualité que l’on peut reconnaître à ce roman, c’est de mettre tout ceci en scène dans un roman complètement addictif, humain et empathique. Il était important de montrer la réalité de ces hommes et de ces femmes qu’ils soient migrants ou policiers mais aussi de ne pas donner une vision manichéenne de la situation. On ne peut ni éviter le flic raciste, ni les trafics, ni l’extrême violence, ni l’infiltration de recruteurs de Daesh ou encore moins la problématique question de ces enfants soldats qui débarquent sur nos sols et dont on ignore la future évolution psychologique. Mais réduire les migrants à cela, c’est oublier tous ceux qui sont là parce qu’ils fuient une situation intenable dans leur pays, qu’ils ont renoncé à tout, fait des milliers de kilomètres au péril de leur vie pour échapper à la mort ou la tyrannie et qu’ils se retrouvent bloqués dans des camps qui n’en sont même pas, à nos différentes frontières en raison d’accords qui nous engagent les uns envers les autres et que personne ne tient à modifier.
Le roman d’Olivier Norek soulève un certain nombre de questions sur lesquelles tout le monde se voile la face. On comprend alors mieux la situation, ce qu’on ne nous montre jamais. Ce que traversent autant ces personnes dans la Jungle, que les gens qui vivent et travaillent à Calais, qui voient leur ville se vider économiquement et humainement (puisque le tourisme est devenu inexistant) et que leur réalité est d’être confrontés chaque jour aux problèmes que posent cette cohabitation forcée. Penser que le problème n’est que provisoire et qu’à un moment donné, il se règlera par lui-même, c’est mettre la tête dans le sable. Nous ne sommes certainement qu’au tout début de mouvements migratoires de masse qui ne vont faire que s’amplifier car à ceux qui fuient les guerres et les persécutions, vont s’ajouter les réfugiés climatiques. Si nous avons encore l’impression de ne pas être particulièrement touchés par les conséquences du réchauffement climatique, il en est déjà tout à fait autrement dans d’autres parties du monde où les drames écologiques se succèdent. Pourtant comme la cigale, nous continuons de chanter et de vivre comme si le monde tournait toujours rond et que notre “été” allait durer toujours.
J’ai envie de dire qu’agir est plus jamais que LA priorité. On n’a pas forcément envie de s’investir sur la cause des migrants mais tous les gros problèmes de société actuels sont interdépendants. Il suffit d’agir sur l’un d’entre eux pour qu’il y ait des répercussions sur les autres, qu’il s’agisse d’écologie, d’éducation bienveillante … A nous de choisir le notre pour que les choses changent.
☆ Bilan
C’est une lecture NECESSAIRE !
Un roman bien évidemment IN-CON-TOUR-NA-BLE et un énorme coup de cœur !
Bilan : ♥♥♥
Vous aimez ce genre de roman engagé ?
8 Comments
ayok57
Ce n’est pas le genre d’histoires vers lesquelles j’ai envie de me tourner pour mes lectures (je préfère m’évader), pourtant il a l’air de souligner des questions cruciales pour notre survie, ou bien même celle des générations futures.
Ton dernier paragraphe est très pertinent, je pense tout comme toi, en quelque sorte, que chaque petit pas peut faire bouger les choses, à condition de le vouloir aussi, évidemment.
Emma
Mais je comprends tout à fait, je pense que c’est aussi la raison pour laquelle je l’ai autant différé. Mais il n’est pas plombant, plutôt émouvant. Franchement j’ai regretté d’avoir mis tant de temps à l’ouvrir ! Pour moi c’est son meilleur livre… Mais comme on dit il y a un moment pour tout, il faut lire avec son biorythme intérieur ;-)♥
Lolipop Didoo
Comme toi, il est dans ma pal depuis un moment et j ai très envie de sortir.
Dès sa sortie j ai été emballée parce que je m était intéressée au sujet et de savoir que l auteur s était immergé dans cette zone, je voulais connaître ses ressentis.
Merci pour ta chronique pertinente
Emma
Tu vas te dire (comme moi) que tu aurais pu le faire BIEN avant !!! XD J’ai adoré ce livre ! Une vraie claque mais en même temps ça remet quand même les choses bien à leur place, avec l’impression qu’on nous cache bien des choses, que tout ce qu’on lit est toujours en surface et orienté dans un sens. C’est inimaginable ce qui se passe à Calais ! Oui une claque, une grande et beaucoup d’émotions !! ♥
Vingt et une pages
Je l’avais noté depuis sa sortie et je ne l’ai lu que récemment, un peu hésitante au vu du sujet sensible. Et pourtant ce fut un véritable coup de coeur ! Je suis bien d’accord, c’est une lecture necessaire, Olivier Norek est vraiment un auteur doué avec des textes à la dimension humaine saisissante !
Emma
Oui c’est incroyable comme il arrive à s’emparer de sujets aussi sensibles et à nous les rendre à la fois captivants tout en délivrant l’information nécessaire. Pour écrire ce roman il est resté sur place pas mal de temps alors que les journalistes font aller-retour dans la journée, ce qui lui a permit d’en avoir une vision beaucoup plus réaliste. De manière générale, Olivier Norek est vraiment un auteur à part et passionnant.
Vingt et une pages
Passionnant, c’est le mot juste !
Emma
🙂 🙂