
L’épaisseur d’un cheveu – Claire Brest : mon avis
Ce roman en 3 mots : Glaçant/ Psychologique /Féminicide
En ce moment, je passe beaucoup de temps à fouiner dans les rayons de la médiathèque. En cherchant le dernier titre d’Anne Berest, “Finistère”, je suis tombée sur “L’épaisseur d’un cheveu”, signé par sa sœur, Claire Berest.
J’ai une vraie affection pour ces deux autrices. Au-delà de leur beau parcours littéraire, j’aime la force et la complicité qui semblent les unir.
Je ne connaissais pas ce roman, sans doute parce que je me suis éloignée des rentrées littéraires ces dernières années – une forme d’overdose. Lire désormais avec recul, et parfois un peu de retard, ne me déplaît pas : j’y trouve même une liberté nouvelle.
J’ai donc emprunté ce livre, et malgré la gravité du sujet, j’ai passé un très bon moment de lecture.
Je l’ai d’abord abordé comme un roman psychologique, presque comme un polar, avant de mesurer la réflexion plus large qu’il propose.
Sommaire
☆ Résumé de “L’épaisseur d’un cheveu” de Claire Berest
Etienne est un homme discret. Correcteur dans l’ombre des écrivains, il mène une vie en apparence rangée, presque effacée. Rien, dans son quotidien millimétré, ne laisse présager de débordements.
Mais quand sa compagne décide de le quitter, le vernis se fissure. Entre colère rentrée, ego blessé et incapacité à se remettre en cause, Etienne bascule. Ce n’est plus lui le problème, mais elle : hystérique, injuste, violente.
Claire Berest retrace cette lente dérive à travers une construction habile : va-et-vient entre l’arrestation et le passé, entre les premiers gestes amoureux et l’étouffement progressif. Peu à peu, se dévoile un couple en trompe-l’œil : habitudes imposées, passions unilatérales, absence d’écoute. L’équilibre n’a jamais existé, mais Etienne refuse de le voir.
☆ Pourquoi lire ce livre
✨ Parce qu’il décortique un féminicide ordinaire.
Sans spectaculaire ni effet choc, mais avec une précision glaçante, le roman montre comment un homme « normal » peut en arriver à tuer.
✨ Parce qu’il met en lumière la mécanique de la déresponsabilisation
Tout est toujours de la faute de l’autre : reproches injustes, départs, crises. Etienne efface sa responsabilité derrière l’image de l’homme incompris.
✨ Parce que la plume de Claire Berest rend l’ordinaire percutant.
Son style, fluide et incisif, soutenu par une construction rythmée et addictive, transforme une histoire intime en suspense haletant et en réflexion universelle.
☆ Mon avis en quelques lignes
J’ai trouvé ce roman à la fois troublant et nécessaire.
Claire Berest réussit une démonstration brillante : comment un homme apparemment sans histoire se transforme en meurtrier.
Ce qui m’a marquée, c’est ce paradoxe : introverti, transparent, parfois même envié pour sa discrétion… mais persuadé d’être supérieur, frustré de ne pas être reconnu à sa juste valeur.
La construction est particulièrement efficace : l’alternance entre passé et présent permet de comprendre, pas à pas, l’étouffement d’un couple construit uniquement autour des envies d’Etienne. Tout ce qu’il croit être de l’amour n’est qu’un narcissisme masqué.
On y lit aussi une réflexion plus large sur le féminicide ordinaire : cette manière de faire porter la faute à la femme, de se dire « déboussolé » par ses réactions, de nier sa propre violence.
C’est glaçant car c’est crédible.
J’ai aimé retrouver la plume précise et acérée de Claire Berest, que j’avais découverte avec Rien n’est noir.
On retrouve une de ses « signatures » : les allusions aux poèmes de Paul Verlaine et sa passion pour les polars dans la scénarisation de son roman.
Un roman glaçant et lucide, qui explore les mécanismes d’un féminicide banal. Un texte nécessaire, qui bouscule et interroge.
A qui conseiller ce livre ?
- À ceux qui veulent comprendre les ressorts intimes de la violence conjugale.
- Aux lecteurs qui apprécient les romans psychologiques puissants.
- Les récits qui interrogent la société derrière les histoires personnelles.
« Je ne m’y attendais pas du tout. D’autant qu’il était prévu que nous allions à la fête, tout était sur des rails. Il ne s’est rien passé. C’est difficile à relater, une dispute, parce que…parce que c’est irrationnel, vous ne pensez pas ? »
C’est drôle, car le livre que je viens de commencer, “Rome en un jour” de Maria Pourchet, fait écho à celui-ci – et ce n’était absolument pas prémédité. Les mystères de la lecture intuitive n’ont pas fini de m’intriguer.
Je vous en dis plus très vite !
Claire Berest, née en 1982, est romancière et essayiste française.
Révélée par “Rien n’est noir” (Prix Renaudot des lycéens 2019) où elle fait revivre Frida Kahlo, elle explore dans ses livres les destins féminins et les zones d’ombre de l’intime.
Avec “L’épaisseur d’un cheveu”, elle s’attaque à la mécanique glaçante d’un féminicide ordinaire.
☆ A lire aussi – idées lecture
- “Rien n’est noir” – Claire Berest : un portrait incandescent de Frida Kahlo, entre douleur, liberté et son amour pour Diego Rivera. Vous pouvez lire ma chronique ici.
- “Chanson douce” – Leïla Slimani : un autre roman marquant sur la violence domestique, au cœur d’un foyer ordinaire.
- “Les choses humaines” – Karine Tuil : une plongée dans un couple de pouvoir et le basculement tragique inattendu.
☆☆☆
Quel est votre titre préféré de Claire Berest ?

