Romans

Le dernier été – Benedict Wells

Roman « musical » sur les regrets, la musique et le sens de l’existence. Une histoire douce amère mais aussi parfois déjantée qui confirme le talent de Benedict Wells pour construire des histoires où la psychologie et le questionnement existentiel des personnages nous semblent très proche des nôtres.

Thème : Regrets, rêves de vie, vocation.

 

Benedict Wells - Le dernier été

Le dernier été – Benedict Wells

Résumé

 

Beck est un prof encore célibataire de 37 ans dans un lycée de Munich, un peu bedonnant et installé dans une routine confortable, il n’est pourtant pas plus heureux que cela. Il tremble de basculer du côté des “vieux” tout en ne sachant plus très bien comment échapper à cette fatalité. On vieillit bien trop vite !

Assailli par la nostalgie des ses 20 ans perdus et cette carrière de musicien dont il rêvait adolescent et qui s’est évanouie lorsqu’il est entré à l’âge adulte, Beck se contente désormais de survivre. Jusqu’au moment où débarque dans sa classe un jeune prodige Lituanien qui joue mieux de la guitare que Jimmy Hendrix lui-même. Ce garçon prend alors une importance de plus en plus grande dans la vie de Beck qui imagine alors pouvoir le lancer et devenir son impresario. Une manière comme une autre de renouer avec ses anciens rêves de gloire de musicien. Le problème c’est que Rauli ment constamment et qu’il est difficile de connaitre la vérité à son endroit et donc de le contrôler…

 

2 adjectifs qui résument le livre

 

Nostalgique : Je crois que c’est une des caractéristiques des livres de Benedict Wells qui sont pour ceux que j’ai lu, imprégnés de cette nostalgie de l’adolescence et de ses rêves.

Philosophique : Ses romans ont cette dimension puisqu’ils parlent de sens de l’existence, de la question de “trouver sa place”, de vivre pour mourir sans regrets.

 

Ce que j’en pense

 

Au départ, j’ai cru que j’allais être déçue parce que j’avais encore en tête les personnages adolescents de “La fin de la solitude” et Beck, ce presque quarantenaire, désabusé sur lequel tout semble glisser et qui mène une vie on ne peut plus terne, je me suis dit qu’il allait être difficile d’adhérer … Et puis non ! On glisse très vite dans cette histoire teintée de nostalgie, à l’humour parfois grinçant tout en gardant cette couleur poétique propre aux histoires de Bénédict Wells.

 

Sait-on vraiment quand c’est son dernier été ?

Celui qui marque ce point de rupture dans nos vies et après lequel plus rien ne sera pareil ?

Peut-on rattraper le temps perdu ?

 

Pour Beck, Rauli représente un pont entre ses rêves de jeunesse qu’il a laissé échapper et ce futur qu’il n’imagine pas encore mais qui va radicalement changer le cours de sa vie. Après cet été, plus rien ne sera pareil et en même temps, rien ne va se passer comme prévu. L’imprévisibilité est le propre de la vie, c’est son ironie et c’est aussi avec celle-ci que joue Benedict Wells.

Qu’il s’agisse de l’amour qui s’invite alors qu’on y croit plus, de ces questions qui se posent quand on a eu tant de difficultés jusque là à s’investir dans une relation, de l’amitié improbable de toujours avec un afro allemand toxico et maniaco-depressif, aux relations compliquées avec les parents que l’on porte comme un fardeau, du regret de ce que l’on n’a jamais été, ce sont toutes ces “valises” que transporte Beck et qui lui collent à la peau, l’immobilisant en quelque sorte dans sa propre vie.

Car Beck c’est l’homme qui a abandonné ses rêves et c’est ce qui le rend vieux avant l’heure et c’est justement ce qui l’effraye le plus, devenir vieux !

C’est l’homme qui croit qu’en devenant l’agent de Rauli, il va pouvoir rattraper le temps perdu.

Beck c’est l’homme qui ne sait pas lâcher prise, qui préfère la sécurité à ses rêves, prisonnier de son égo et de sa volonté de contrôler désormais sa vie.

Beck c’est l’homme qui ne sait pas prendre de décision et c’est pour ca que sa vie foire (amour, parents, carrière…) et c’est sans compter sur B Wells qui malicieusement va l’obliger à le faire !

Quand on connait un peu mieux l’histoire de Benedict Wells, ce twist au milieu du livre n’est pas étonnant. Il a mis beaucoup de sa vision de la vie dans ce personnage. Qu’il s’agisse de devoir accepter les choses désagréables qu’elle nous réserve (car la vie est ainsi, ce n’est pas un conte de fée, alors autant en prendre son parti), tout comme cette exigence de réaliser ses rêves pour ne pas se réveiller 20 ou 30 ans plus tard en se disant comme la majorité des gens “que si on avait pu, on aurait eu une vie différente”

C’est d’autant plus remarquable que Benedict Wells a écrit ce livre à 19 ans ! (C’est son deuxième ouvrage mais c’est le premier qui sera publié). C’est son incroyable capacité d’empathie et de projection qui lui a permis de se mettre dans la peau d’un Beck de 40 ans et de ressentir avec acuité ce que pourrait donner une vie où l’on aurait renoncé à ses rêves. 

Beck porte subitement ses quarante ans comme un poids, entre résignation et envie de rébellion.

“Comme ils sont jeunes et enthousiastes pensa Beck. Presque tous n’ont encore eu aucune décision difficile à prendre. Peut-être est-ce là la vérité la plus cruelle . Avancer en âge les forcerait à faire des erreurs et à en rabattre, rognerait peu à peu leurs rêves jusqu’à ce qu’ils trouvent chacun leur place dans une petite vie ordinaire. Avec un peu de chance, il leur resterait au moins le souvenir des joies de l’enfance et de la jeunesse. Dans le cas contraire, ils deviendraient comme lui.”

 

Faut-il glisser dans la résignation d’être adulte, abandonner ses rêves au nom de la raison et continuer à surfer à la surface des choses sans trop approfondir ?

 

Benedict Wells nous plonge une fois de plus dans l’intériorité riche et intense de personnages qui cherchent pourtant à ne pas trop s’appesantir sur le sens de leur vie. Mais la vie est ainsi faite qu’elle nous rattrape toujours avec ses questions. Et c’est mal connaitre Benedict Wells que de penser qu’il va laisser choir ses personnages dans la résignation. Tout est toujours possible. Et les souvenirs sont les seules choses que l’on doit rechercher, pas l’accumulation des choses.

Le livre est d’ailleurs construit en une face A et une face B, cette dernière marquant le début de l’été 99 où Beck accepte enfin de lâcher prise et part avec Charlie et Rauli pour ce fameux road-trip qui va changer le cours de leur vie.

En l’écoutant parler de son parcours d’écrivain, on comprend qu’il ne peut pas en être autrement on peut juste se demander comment il a découvert si jeune le secret de ce qui doit guider une vie quand la plupart des gens s’égarent. Ce refus d’entrer dans le système, adopter son propre parcours, croire en soi et en ses rêves, d’assurer sa propre liberté et ses choix pour être certain de ne rien regretter. Que ces personnages aient 20, 30, 40 ans ils sont toujours mus par ces questionnements, habités par la solitude, composants avec leurs failles et les coups durs car “c’est la vie” dit B.Wells.

Ce qui donne un roman profond oscillant entre légèreté et désillusions avec une galerie de personnages haut en couleurs et des passages qui sont de véritables citations existentielles qu’on ne peut s’empêcher de noter dans un carnet pour essayer d’en capturer toute la sagesse. Je vous en ai mis quelques-unes plus bas. 

Mais c’est aussi un roman qui parle de musique, autre grande passion de l’auteur qui ne conçoit pas un roman sans bande-son. Pour celui-ci, il a énormément écouté Bob Dylan, ce qui donne un roman à 7 chapitres, 7 chansons dont le titre donne le ton de chacun d’entre eux. Il a même réussi à en faire un/des personnages du roman, mai je vous laisse le(s) découvrir Winking smile

 

“Ce qui compte, ce sont les choses simples, dit Zimmerman, et Beck sursauta. Un tout petit peu d’amour ou bien la chose qu’on a envie de faire. Les gens bêtes compliquent tout. Les gens intelligents simplifient. Car le jour où vous serez vieux, vous vous reprocherez certainement pas d’avoir passé trop peu de temps au bureau. Mais vous vous reprocherez éternellement de n’avoir pas assez aimé ou de n’avoir pas fait ce que vous vouliez vraiment.”

“Beck fixa le fond de son verre en réfléchissant à cette phrase. “J’étais tellement certain que la vie que je menais était la bonne.” “Et bien les choses ont changé ». “Les choses ont changé?” “Mais oui, things have changed. Ce que vous trouviez bon autrefois est peut-être un poison pour vous à présent.” “ Je me sens tellement vide parfois, dit Beck. Il me manque toujours quelque chose. Quand je suis seul je ressens un manque, quand je suis avec quelqu’un  je ressens aussi un manque. il y a toujours un vide en moi. Les gens ont tellement l’air si heureux, pour eux tout parait si simple.”

“Vous êtes ici parce que vous ne prenez pas de décision. Et c’est mauvais. Car si vous n’agissez pas, la vie le fera pour vous. Et la vie prend souvent les mauvaises décisions parce qu’elle punit les faibles et les pusillanimes. Le monde est fait pour les audacieux, les autres se contentent de suivre le courant, la plupart coulent. La question est donc : êtes-vous au moins un bon nageur ? Car vous devez l’être si vous ne voulez pas prendre de décision.”

 

Qui a raison ? Celui qui tente ce dont il rêve quitte à échouer et à vivre frugalement ou celui qui renonce pour vivre à l’abri du besoin ?

Pourquoi les romans de Benedict Wells me plaisent autant ?  Parce que s’ils parlent du sens de l’existence, ils parlent avant tout de trouver sa place et vous savez combien ce thème me tient à cœur !

Assurément Bénédict Wells a trouvé la sienne.

Bilan, je ne peux pas mettre moins  : ♥♥♥

 

 

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