Dans le jardin de l’ogre – Leïla Slimani
J’étais partie pour lire le dernier roman de Leïla Slimani « Une chanson douce » qui est d’ailleurs sélectionné pour le prix Goncourt et puis comme j’avais une petite réticence (car le sujet est un peu terrible pour tout parent), je me suis dit : “Allons déjà voir ailleurs si son style me plait et plus, si affinités “. Et puis voilà ! J’ai été conquise !!
Pour un premier roman on peut dire qu’elle a tapé fort. Fort mais bien parce que ce roman est juste une magnifique réussite !
“Ma femme est un imposteur absolument magnifique “ dira le mari …
Ça aurait pu être l’histoire d’un adultère, une histoire classique et pourtant, ça ne l’est vraiment pas. Car Adèle, belle journaliste parisienne de 35 ans mariée à Richard, un chirurgien, ne se contente pas d’un seul homme, il les lui faut tous !.
Adèle est malade. Elle est dévorée, « infectée »par son addiction au sexe qui lui impose de se consacrer entièrement à cette “chasse” aux partenaires d’un soir, d’une semaine ou de quelques mois. Pour ce faire, bien sûr, il lui faut mentir, dissimuler constamment. Et cette quête est tellement chronophage et énergivore qu’il n’y a de place pour rien d’autre. Son fils est un poids, une entrave à sa liberté de pouvoir retrouver ces hommes auxquels elle fixe des rendez vous à tout moment. Son couple l’ennuie, elle n’a aucune attirance physique pour son mari, elle hait leur petite vie bourgeoise. Même son job ne l’intéresse pas sauf pour la liberté de mouvement et les excuses d’absences qu’il lui permet. Le sexe est son échappatoire, une manière de combler cette vacuité qui la ronge, c’est la seule chose qui donne de l’excitation à sa vie et lui donne le sentiment d’être vivante.
Elle pourrait divorcer, vivre sa vie en femme libre mais voilà, Adèle a besoin de son couple, c’est un rassurant refuge. Elle pensait qu’un enfant la guérirait mais cette pulsion irrépressible et irrationnelle a rejaillit sitôt l’enfant là. Son corps la tyrannise et l’entraine toujours plus loin dans son désir sexuel, comme s’il ne pouvait jamais se satisfaire.
En réalité ce n’est pas tant le corps de l’homme en lui même qui enflamme son désir. Elle ne parle jamais de jouissance mais seulement de cette recherche de captation de l’attention de l’autre. elle veut qu’on la regarde, qu’on la désire et qu’on la prenne. Et puis, regarder les hommes se repaîtrent d’elle. C’est cette situation qu’il lui faut sans cesse répéter.
Malgré le manque d’affect, le détachement, le manque de culpabilité d’Adèle, on s’attache à cette femme et l’on voudrait comprendre, essayer de cerner quel manque dans son enfance a pu engendrer une telle souffrance. Car l’addiction par son côté obsessionnel et totalitaire l’empêche d’avoir des relations humaines normales. Cette femme doit non seulement vivre dans le mensonge mais aussi dans la solitude en essayant continuellement de donner le change.
Mais le mensonge reste rarement silencieux. Un jour ou l’autre, il sort de sa réserve et déverse sa bile malodorante dévastant tout dans son sillage… pour Adèle tout bascule car il va falloir faire un choix mais une malade est elle capable d’en faire un?
Leïla Slimani réalise un véritable tour de force en écrivant à la fois sur une pathologie complexe mais aussi sur un sujet tabou, avec délicatesse, sans jamais tomber dans le piège du voyeurisme ou du pornographique. L’apparente simplicité de son style, les courts chapitres qui rythment le récit, nous plonge dans la vérité des personnages et dressent un beau portrait de femme aux prises avec ses démons et incapable de leur échapper.
Un texte rude, cru, brutal, troublant et bouleversant mais jamais moralisateur qui en fait un très beau roman qui s’inscrit au fond de nous. Inoubliable !
Bon, et bien il ne me reste finalement plus qu’à courir à la librairie pour acheter son dernier roman “ Une chanson douce”
One Comment
Tiphaine || Accro aux mots
Il est dans ma PAL , j’espère pouvoir l’en sortir très vite ! En tout cas ta chronique me donne envie 🙂