L’imprudence – Loo Hui Phang
Premier roman de Loo Hui Phang, ‘”L’imprudence” est un roman émouvant, cru et intimiste qui a éclairé la rentrée littéraire de cette fin d’été 2020.
Thème : Exil, Laos, Vietnam, addiction, sexe, identité, , déracinement, quête d’identité, roman initiatique, Loo Hui Phang.
Sommaire
☆ Résumé de l’éditeur
“ Une jeune femme photographe qui vit à l’instinct, dans l’urgence de ses projets, de ses désirs, retourne dans son Laos natal pour l’enterrement de sa grand-mère. En compagnie de sa mère et de son frère aîné brisé par l’exil, en retrouvant son grand-père, elle réapprend ce qu’elle est, comprend d’où elle vient et les différentes ardeurs qui la travaillent, qui l’animent. Un premier roman audacieux, sensuel et délicat qui révèle le corps comme seul territoire de liberté.” |
☆ Pourquoi “L’imprudence” de Hoo Hui Phang est à lire
☆ Pour l’écriture fluide et sans fard de l’auteure.
☆ Pour la découverte de cette petite partie de l’histoire du Laos
☆ Mon avis sur “L’imprudence”de Hoo Hui Phang
Qu’est-ce que l’imprudence ? Si ce n’est oser s’aventurer au delà de ce qui est connu, des limites, des frontières que l’on peut rencontrer ou s’imposer à soi-même.
Sur la question des frontières, le personnage féminin de ce roman de Loo Hui Phang en connait un rayon.
Celles du foyer, cette bulle construite par leurs parents pour les protéger, eux les enfants de cet exil forcé du Laos qu’il a fallu fuir en 1975, lors de l’installation d’un régime autoritaire.
Dehors il y a les frontières de son apparence, de ce que l’on représente pour les autres, cette jeune femme exotique attirante ou étrangère.
Et puis les frontières géographiques de ce pays quitté alors qu’elle n’était qu’un bébé et dont elle ne garde aucun souvenir.
Le seul territoire qu’il lui appartient, dont elle cherche avec imprudence les frontières et dans lequel elle se retranche, c’est celui de son corps. Le sexe et cette liberté de pouvoir en abuser est une addiction pour qui ne sait pas quelle est sa véritable identité, comme l’est pour ce frère de 33 ans, la drogue et l’abrutissement des jeux vidéos.
Étrangère partout, en France comme au Laos, elle cherche pourtant à trouver sa place quand son frère rejette en bloc cette “transplantation” géographique qui ne prend pas. Mais comprendre son histoire à travers celle de sa famille, celle qui est restée là-bas et la grande histoire, est la clé.
L’enterrement de la grand-mère au Laos, dont la présence est omniprésente dans le roman et qui constitue le ciment entre eux tous, va être l’occasion pour chacun des membres de cette famille de faire le voyage et de comprendre la sienne. Car pour l’exil, il n’y a pas une histoire universelle, pas même au sein d’une même famille, chacun le vit différemment. Et cette histoire est d’autant plus compliquée pour cette jeune femme du fait de la relation intime qu’elle entretient avec son corps.
Par ailleurs, l’auteure n’évite pas dans « L’imprudence », l’évocation du problème des stéréotypes raciaux et sexuels occidentaux. Ces mythes qui collent à la peau des jeunes femmes asiatiques et les rendent particulièrement désirables aux yeux des hommes (pour de mauvaises raisons). J’avoue qu’en tant que femme je n’en avais pas du tout conscience jusqu’à ce qu’une de mes amies coréenne aborde un jour ce sujet avec moi. J’avais été complètement sidérée. Comme quoi il faut apprendre à en parler car ce qui n’est pas dit n’existe pas, sauf pour celles qui le vivent ou subissent. On imagine aisément que cela n’aide pas non plus à trouver sa place…
☆ Bilan de ma lecture
« L’imprudence » est roman court et percutant qui explore sans fausse pudeur, l’intime et l’exil, qui s’entremêlent. Certains le trouveront peut-être un peu cru mais il est à l’image de ce qu’est la vie, et, ce que le sexe et le rapport à son corps comportent de complexe, tout en étant pulsion de vie ou de mort.
A lire pour l’écriture de Loo Hui Phang et ce touchant voyage initiatique pour se rencontrer ♥♥♥
☆ A lire aussi – idées lecture
A lire dans la continuité, la BD de l’auteure et Frederik Peeters à laquelle elle fait un clin d’œil au cours de ce roman “L’odeurs des garçons affamés”.
Impossible par ailleurs de ne pas penser en lisant Loo Hui Phang au mythique roman de Marguerite Duras “L’amant” ou “L’amant de la Chine du nord” , même si ce n’est pas la même histoire.
Dans le même style de roman cru et intimiste tout en étant moins exotique (mais on y retrouve la quête de soi), je vous recommande “Pour la peau” d’Emmanuelle Richard (prix Anaïs Nin)
Les romans sur la quête d’identité, qu’ils soient autobiographiques ou non,
sont des romans qui vous touchent ?
2 Comments
ayok57
Décidément, encore un livre qui pourrait m’intéresser 😉
Surtout pour comprendre cette histoire d’attirance des hommes pour les femmes asiatiques (je pense que mon ignorance équivaut à la tienne d’alors…
Emma
Oh tant mieux !
Par contre, je ne suis pas certaine que ce livre t’éclairera sur la question car elle n’aborde pas le sujet frontalement, elle ne fait que l’évoquer 🙂 C’est davantage un livre sur la quête identitaire quand on a d’autres origines mais que dans le même temps on vit depuis presque toujours dans un autre pays et une autre culture. L’originalité étant que son seul territoire lui semble être son corps tout en l’abandonnant à d’autres.
L’attirance masculine pour les femmes asiatiques est un complexe mélange entre mystère de l’orient, l’idée séduisante qu’elles sont plus dévouées à leur plaisir, soumises, et fantasme d’un vagin plus étroit que celui des occidentales (très exploité par l’industrie pornographique)… Te voilà toi aussi moins naïve sur le sujet 😉