
Kaiser Karl – Raphaëlle Bacqué
Ce roman en 3 mots : autobiographique/ élégant/ fascinant
L’autre jour en chinant chez un bouquiniste lors d’un séjour sur la côte d’azur, j’ai avisé ce livre qui était rangé sur une pile.
J’ai immédiatement eu envie de le lire et pourtant je n’ai pas cédé. La cause ? J’avais déjà acheté une dizaine d’ouvrages, il fallait bien mettre une limite.
Mais bien sûr, j’ai regretté…
Les raisons de craquer et de le lire étaient triple : D’abord il s’agit d’un titre de Raphaëlle Bacqué dont j’aime le style accessible et rigoureusement documenté – ces essais se lisent comme des romans. Ce livre parle des plus belles années de la mode et de la haute couture, ce qui n’est pas sans lien avec l’évolution de notre société. Et pour finir, il explore la vie de Karl Lagerfeld, que je connais finalement assez mal.
Résultat ? En rentrant de ce fameux week-end, j’ai couru l’acheter dans une librairie.
Eh oui nous sommes tellement contradictoires … ahaha
Sommaire
☆ Résumé de “Kaiser Karl” de Raphaëlle Bacqué
Raphaëlle Bacqué retrace les dernières années de Karl Lagerfeld, mais revient aussi sur sa jeunesse, son ascension dans le monde de la mode, sa relation complexe avec Yves Saint Laurent, Pierre Bergé, et surtout Jacques de Bascher, son grand amour platonique.
Derrière les lunettes noires, le col haut et les phrases assassines, on découvre un homme brillant, drôle, cruel parfois, mais toujours en représentation.
Un homme qui n’a jamais cessé de travailler son image comme sa créativité et ce, jusqu’au dernier jour.
☆Pourquoi lire « Kaiser Karl »
✨ 1. Parce que Karl Lagerfeld est un personnage de roman
Cultivé, cruel, sensible, manipulateur, fidèle, secret… Il fascine, agace, impressionne. On le découvre tel un héros dostoïevskien à l’ère du luxe.
✨ 2. Pour ce qu’il révèle du monde de la mode
On croit entrer dans l’univers de la mode, on pénètre en réalité dans un monde de pouvoir, de solitude, de loyautés et de guerres d’ego. C’est passionnant.
✨ 3. Parce que le style est précis, fluide et documenté
Raphaëlle Bacqué est une grande journaliste, elle écrit avec rigueur mais aussi avec le regard d’une romancière. C’est à la fois immersif et incroyablement vivant.
☆ Mon avis en quelques lignes
J’ai lu ce livre d’une traite, à la fois fascinée et un peu troublée. Vous devez le pressentir, j’ai été conquise !
Parce qu’il ne s’agit pas simplement de Karl Lagerfeld, mais de la manière dont on façonne une image, dont on choisit ce qu’on montre et ce qu’on efface.
Ce livre m’a frappée par ce qu’il révèle des faux-semblants, du pouvoir, et par ce qu’on y apprend pour bâtir une carrière hors norme.
On y découvre les débuts de Karl, son amitié avec Yves Saint Laurent (ce que j’ignorais), puis leur relation complexe, faite de compétition professionnelle et d’un amour partagé pour un même homme, Jacques de Bascher. Il ouvre également les portes sur le monde de la haute couture, des fêtes fastueuses, du génie et du travail de ces hommes.
Karl Lagerfeld fut le premier à travailler en freelance pour plusieurs marques (Chloé, Armani…), dont il dessinait toutes les collections et fit le succès, avant de créer sa propre marque et d’accéder enfin à la haute couture en intégrant Chanel, dont il rénova totalement l’image vieillissante.
Karl Lagerfeld était impressionnant de talents et avant-gardiste : créateur de génie et prolifique, photographe, grand lecteur, érudit, polyglotte, avec un sens de la communication inégalable.
Tout ce qu’il touchait se changeait en or.
C’était un être convaincu que la culture doit tenir une place de choix dans toute vie, et qu’elle est une source d’inspiration constante. Bibliophile et grand lecteur, il achetait une vingtaine d’ouvrages chaque jour. Il a même créé sa propre librairie – le 7L – à laquelle il a accolé une pièce-bibliothèque qu’il utilisait comme studio photo. Les murs de sept mètres de haut sont recouverts d’étagères garnies de milliers de livres, que Karl préférait ranger à l’horizontale plutôt qu’à la verticale, comme vous pourrez le constater sur la photo.
C’est de cette même manière que sont rangés les livres dans sa librairie.
Une autre façon d’organiser sa bibliothèque, dont vous pouvez vous inspirer… si vous disposez de la place nécessaire.
Je me souviens d’avoir écrit, il y a 15 ans, un billet de blog avec une photo montrant Karl Lagerfeld devant cette bibliothèque monumentale.
Cet article interrogeait : comment font ces hommes, qui pourtant disposent des mêmes 24 heures que les autres, pour accomplir autant de choses, développer autant de talents, acquérir autant de connaissances, vivre mille vies en une… alors que moi, je n’arrivais même pas à trouver le temps de mener simplement la mienne, jour après jour ?
J’ignorais alors que cette question deviendrait centrale dans ma vie, et que tenter d’y répondre m’amènerait à me remettre à la lecture et que j’y consacrerai un pan entier de ma vie professionnelle.
Ce n’est donc certainement pas un hasard si j’ai eu si envie de lire ce livre.
Et si cette biographie est rigoureuse, richement documentée, elle est aussi éblouissante, tant le sujet est passionnant.
Il ne s’agit ni d’un portrait à charge, ni d’un hommage. Raphaëlle Bacqué a mené l’enquête, tenté de démêler le vrai du faux, élagué la légende pour restituer la vérité d’un homme qui cherchait à échapper à un pays ayant montré le plus sombre de son visage, pour conquérir Paris – puis le monde – avec du beau.
C’est aussi le portrait d’une époque, d’un milieu fascinant, de la solitude d’un homme très entouré, et qui a toujours gardé ses blessures secrètes.
Avec Kaiser Karl, Raphaëlle Bacqué signe un livre dense, élégant, impossible à lâcher, et riche d’enseignements – surtout si, comme moi, vous vous intéressez à ce qui fait qu’une personne ordinaire devient extraordinaire.
Karl Lagerfeld disait : “Il est indispensable et naturel de ne pas être comme les autres.” Mais comme vous le constaterez en lisant ce livre, il est aussi nécessaire d’en faire plus, et autrement que les autres, pour véritablement s’en distinguer.
Rien n’est magique.
Ce qu’il faut retenir
- Karl Lagerfeld était le roi du branding, en avance sur son temps jusque dans ce domaine. Que ce soit pour les différentes marques pour lesquelles il a créé, mais surtout pour lui-même, il a su bâtir sa propre légende : effaçant ce qui ne lui convenait pas, réécrivant l’histoire qu’il avait envie d’entendre sur lui-même. D’ailleurs il disait : “Je ne vends que la façade, sa propre vérité on ne la doit qu’à soi-même” ou “Je javelise mon passé” ou encore “Il vaut mieux avoir un dédoublement de la personnalité que pas de personnalité du tout”.
- Pour créer, il s’inspirait de tout ce qu’il voyait : le monde de la nuit, avec ses excès, ses fêtes costumées démentielles, et ces muses au sens du style incroyable, capables de mixer des éléments vestimentaires a priori incompatibles. Mais il y avait aussi les livres, d’art, d’architecture, de photographie, de poésie, la littérature… Il se nourrissait de tout cela, et réalisait chaque jour des collages – une sorte de moodboard – qui lui permettaient de faire émerger des univers visuels dont il s’inspirait ensuite pour créer.
- Il maîtrisait parfaitement l’art de la conversation, ainsi sa compagnie était appréciée et recherchée, tout en lui donnant le contrôle de ce qu’il voulait bien – ou pas- dévoiler sur lui-même.
- Il avait un mode de vie très ascétique : il ne buvait que du coca, sortait peu, préférant s’entourer de proches qui lui rapportaient fidèlement tout ce qui s’était passé – les tenues, les fêtes, les détails. Cela lui permettait de rester connecté aux tendances et aux excès… sans jamais s’y perdre lui-même. il travaillait énormément, ce qui lui fera dire assez justement : “Je suis un calviniste attiré par le superficiel”.
- Il n’a eu de cesse de se réinventer : “Le changement est la façon la plus saine de survivre” – il en a fait une philosophie de vie qu’il a suivi toute sa vie.
- Pour finir, Karl Lagerfeld était aussi le roi de la punchline mémorable, ce qui montre aussi sa maîtrise parfaite de notre langue, vous avez d’ailleurs pu en lire quelques-unes pour illustrer mes propos ci-dessus, je vous laisse avec une dernière.
« La mode n’est ni morale, ni amorale, mais elle est faite pour remonter le moral. »
“Kaiser Karl” est aussi le livre qui a inspiré la série “Becoming Karl Lagerfeld”, que j’aurais aimé voir, mais malheureusement je n’ai pas Disney+.
A qui je conseille cette biographie ?
Pour celles et ceux qui aiment les destins hors norme, qui s’interrogent sur comment se construit un mythe, pour ceux qui aiment tout simplement les biographies, ou pour ceux que le milieu de la haute couture et cette époque fascinent.
En vérité, il n’a jamais autant travaillé. Mais il affirme partout le rêve qu’il poursuit : «J’aimerai vivre à la cour de Frédéric le Grand.» Dans la presse américaine, on lui a trouvé un surnom qui correspond à ses rêves de grandeur : Kaiser…
☆ A lire aussi – idées lecture
Si vous avez envie d’aller plus loin ou de lire un autre livre de Raphaëlle Bacqué, je vous conseille :
- Richie – Raphaëlle Bacqué – Un biopic sur l’ancien directeur de Sciences Po, des nuits déjantées aux couloirs du conseil d’état, rien ne résistait à sa folie.
- Beautiful People – Alicia Drake – Un autre regard sur la relations croisées de Karl Lagerfeld et Yves St Laurent.
☆☆☆
Ressentez-vous aussi une fascination pour les grands destins?
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