L’élève au cœur de sa réussite – Marie-Hélène Fasquel
“Tout est possible pour les élèves, même les plus faibles, quand la curiosité et l’envie d’aboutir s’installent en eux.”
Le prof d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec un petit fonctionnaire tranquille. Il est devenu un acteur numéro un du monde de demain non seulement en assumant la tâche de transmettre un savoir mais aussi en montrant à ses élèves qu’ils vont pouvoir agir concrètement sur les grands défis qui attendent le monde.
Confronté à un monde qui évolue à une vitesse déroutante et des élèves qui ont bien changé, l’engagement de l’enseignant est primordial, il doit s’adapter sans s’essouffler, ni s’économiser.
Autant le dire sans faux semblant, le job a bien changé, il est devenu très difficile, extrêmement prenant et exigeant mais aussi complètement passionnant car tout est à inventer et être prof est redevenu porteur de sens.
Etre enseignant, c’est aussi faire partie d’une énorme communauté mondiale qui se bat pour les mêmes objectifs et met en commun ses découvertes.
A travers son extraordinaire parcours d’enseignante, qu’elle relate dans ce livre, Marie-Hélène Fasquel nous fait découvrir une nouvelle façon d’enseigner qui bouscule l’image traditionnelle du professeur assis derrière son bureau.
Pour Marie-Hélène, l’école laïque, publique et gratuite a été une chance. Fille de parents modestes elle comprend très vite que l’école est le seul et unique moyen de s’en sortir et est seule capable de combler son intense et immense envie d’apprendre et de découvrir le monde. Une rencontre magique en classe de CP avec Madame Vasseur, institutrice à la fois brillante et bienveillante, qui l’émerveille va lui donner pour toujours le goût d’apprendre.
De cette faim et ouverture sur le monde que l’école lui a apporté, elle va alors avoir à cœur de transmettre au plus grand nombre. Certains deviennent professeurs parce que c’est ce qui leur semble le plus approprié, pour d’autres c’est une véritable vocation ! Mais au delà de la vocation qui est déjà remarquable, Marie Hélène appréhende très vite les changements auxquels doit faire face l’enseignant d’aujourd’hui dans un monde qui ne cesse de bouger et avec des élèves 2.0 qui sont en perpétuelle évolution et interaction avec de nouveaux environnements.
Elle a pu voir dès ses premières classes que les élèves ne l’écoutent pas et que 40 ans à enseigner dans ces conditions, ça ne sera pas du tout possible! La première des urgences est de trouver un moyen de motiver les élèves pour qu’ils s’impliquent et retrouvent le goût d’apprendre sans lequel rien ne sera possible.
Le constat est là : la méthode recommandée par les consignes de l’IUFM ennuie les élèves auxquels elle ne correspond plus du tout. Il est temps d’imaginer autre chose si on ne veut pas aller dans le mur !
Grande lectrice fan d’Oscar Wilde, elle est déjà marquée par ces héros qui se sont battus pour des causes et pour les autres comme Martin Luther King et Gandhi et est beaucoup inspirée par Rousseau notamment par “Les rêveries d’un promeneur solitaire” ou “Mrs Dalloway” de Virginia Woolf. Elle va donc continuer à chercher des idées dans les livres dans un premier temps, puis elle trouvera la solution en Angleterre avec la pédagogie de projets.
Par ailleurs, à l’étranger, elle a pu voir que la relation élève professeur est radicalement différente de celle qu’on préconise en France. La relation est plus simple, plus personnelle, le professeur est plus facile d’accès, plus proche de ses élèves sans que cela nuise à son autorité naturelle. Elle décide de descendre de son estrade et de tisser une autre relation avec ses élèves et de les mettre en situation d’apprentissage en participant à des projets pédagogiques. L’élève prend en main son apprentissage, c’est lui qui se met à poser des questions au lieu de devoir y répondre.
L’enseignement devient un art : il faut se montrer créatif, réinventer et réenchanter la transmission des connaissances pour redonner envie d’apprendre. Car apprendre, découvrir c’est quand même ce qui nous constitue tous. La curiosité éveillée et entretenue nous rend plus heureux et vivants.
Ensuite apprendre une langue vivante, ce n’est pas seulement ingurgiter de la grammaire et du vocabulaire. Elle se vit et se partage. Il faut pour pouvoir en saisir ses subtilités, acquérir un nouvel état d’esprit, se mettre dans la peau de ceux dont c’est la langue natale. Il faut donc pouvoir pratiquer une sorte d’immersion linguistique entre les 4 murs d’une classe et c’est désormais possible grâce aux nouvelles technologies. Marie-Hélène fait partie de ces gens qui pensent que le progrès est fait pour servir, elle va donc se servir de tout ce que peuvent offrir les dernières innovations technologiques : interviews d’auteurs anglo-saxons par Skype, création de podcasts, réécriture de Hamlet en Tweet, usage du téléphone portable pour des reportages photos, échanges avec d’autres élèves du monde entier… L’anglais se révèle concrètement utile pour communiquer et pour les élèves apprendre prend du sens.
Le rêve est un puissant moteur, en ouvrant la classe de langues sur le monde en multipliant les contacts avec des élèves du monde entier, en découvrant la culture des uns et des autres, en devenant acteur de son apprentissage, en planchant sur des projets qui leur permettant de rencontrer des jeunes d’autres cultures, les élèves développent leur propre estime d’eux-mêmes et la magie opère : ils se découvrent heureux d’apprendre et surtout capable de le faire.
Parallèlement pour dégager du temps en classe, elle pratiquera la classe inversée (the flipped classroom) : désormais la leçon est vue à la maison, le temps de classe sert uniquement à mettre en application ce qu’on a appris et à participer à des projets pédagogiques où l’élève progresse presque sans s’en rendre compte.
Ils vont ainsi participer à de nombreux projets dont certains obtiendront des prix, l’écologie qui est l’un des enjeux majeurs de l’avenir est souvent au centre de ceux-ci ce qui permet en plus de sensibiliser à ce sujet cette jeune génération qui va construire le monde de demain. En fait, ces élèves ne font pas qu’apprendre l’anglais, ils deviennent aussi des citoyens du monde. Et cette dimension est devenue indissociable de la transmission des connaissances.
Pas étonnant que Marie –Hélène soit alors sélectionnée parmi les 50 candidats retenus (sur 22.000) pour recevoir le “Global Teacher Prize” qui récompense chaque année l’innovation pédagogique la plus remarquable distinguant les professeurs d’exception du monde entier. C’est une grande première car c’est la seule Française sélectionnée et c’est également la première fois que la France est représentée pour concourir pour ce prix doté d’un million de dollars qui doit servir au financement de projets pédagogiques.
Elle ne gagnera pas mais cela va lui permettre de représenter les enseignants de France et de faire découvrir au plus grand nombre une méthode qui permet de remettre les élèves en situation de réussite dans le cadre de l’enseignement traditionnel.
Parce que cette méthode fonctionne non seulement avec les élèves qui suivent normalement le cursus scolaire sans trop de heurts mais aussi avec ceux qui sont en échec scolaire. Elle aura ainsi l’occasion en 2013, avec une classe de la réussite, de montrer que l’improbable est réalisable. En à peine une année ces élèves qui n’auraient jamais dû passer en seconde et qui ont à peine un niveau de 6ème vont rattraper leur retard et retrouver l’envie d’apprendre.
Pour en découvrir un peu plus :
Marie-Hélène Fasquel, enseigne la littérature américaine dans au lycée Nelson Mandela de Nantes, en section internationale mais elle fait tant d’autres choses que cela se suffit pas à la définir …
Je vous laisse découvrir son blog : http://sharingteaching.blogspot.fr/
Je mets également cette vidéo de l’Echappée Volée, un forum de conférences sur le thème de l’innovation pour inspirer, faire prendre conscience et engager chacun à devenir acteur de la transformation du monde qui était en l’occurrence sur le thème “le bonheur est-il exponentiel” et auquel Marie-Hélène a participé et qui permet de mieux comprendre sa démarche, comment elle en est venue là …
Mais aussi cette vidéo de Mareike Hachemer, autre finaliste du Global Teacher Prize” en 2015, qui est absolument passionnante et qui va dans le même sens que le travail de Marie-Hélène Fasquel. Faire comprendre que les enseignants ont un rôle déterminant dans le monde d’aujourd’hui car l’enseignement est la mère de tous les autres jobs. L’urgence c’est de relier tout ce qu’on enseigne aujourd’hui aux défis d’aujourd’hui et de demain pour le développement durable du monde (poursuivre les global goals). Pour cela il faut les meilleurs profs possibles, créatifs, ouverts, inspirés … qui vont montrer aux élèves et étudiants qu’ils peuvent avoir un impact positif réel sur le monde et qui va les motiver à apprendre. Il faut arrêter de renvoyer une image négative de l’enseignement et montrer ses côtés puissants et inspirants.
Cela rejoint aussi cette phrase de Marie-Hèléne Fasquel : « Ma méthode : Avoir de l’ambition pour mes élèves pour qu’ils aient eux-mêmes de l’ambition ».
En définitive, ce livre se révèle non seulement une lecture très intéressante mais également pleine d’espoir car elle montre que des solutions existent. On entend tellement le même discours et on débat toujours des mêmes questions sans fin, sans avoir l’impression que les choses changent alors qu’il existe tout un réseau international de professeurs qui innovent et réussissent partout dans le monde et dont l’expérience est inspirante.
Le Global Teacher Prize est encore tout jeune (2014) mais très certainement que cette fondation philanthropique créé sous l’initiative de Sunny Varkey va permettre de mettre en lumière les innombrables talentueux professeurs qui de par leur pédagogie innovent pour transformer l’enseignement partout dans le monde et que cela va ouvrir de nouvelles portes pour entreprendre une vraie réforme en profondeur, plus sûrement que n’arrive à le faire le politique.
Comme le constate Marie-Hélène, toute passion est communicative et peut susciter de l’intérêt quelque soit le sujet. c’est une force qui peut résoudre bien des problèmes…
Et puis, le maître mot dans toute cette démarche de transmettre, c’est quand même « bienveillance »… 🙂
L’ELEVE AU COEUR DE SA REUSSITE – Marie-Hélène Fasquel – Editions François Bourin