Hotel international-Rachel Vanier
C’est l’histoire d’un deuil, d’une fille-plante qui perd ses tuteurs ,doit apprendre à grandir, à tenir droite par ses propres moyens et l’histoire d’un pays qui panse ses plaies.
Thème : roman d’apprentissage, expatriation, deuil, Cambodge, amitiés, relation père/fille, mal de vivre, suicide, amour.
Sommaire
Résumé de l’éditeur
«À l’occasion de la Fashion Week, et puisque ce sera certainement ma première et dernière, j’enfile l’accoutrement qui s’approche le plus du summum de la dinde superficielle. Je dois redoubler de créativité afin de composer une tenue différente pour chaque défilé auquel j’assiste, puisque les mêmes deux cents personnes seront présentes chaque soir pour reluquer les mannequins sur les podiums et leurs acolytes dans le public. En sortant de chez moi tout « endimanchée », comme ne dirait pas Arthur, les chauffeurs de tuk-tuk me dévisagent. Effectivement, les talons de douze centimètres, la robe moulante, les lourds bracelets de métal et le maquillage de voleuse de camion ne leur semblent pas appropriés au temps moite et à la chaleur étouffante de l’après-pluie. En grimpant dans mon tuk-tuk, je me sens plus en désaccord avec le monde extérieur que jamais depuis mon arrivée au Cambodge.»
2 adjectifs qui résument le livre
Irrésistible : On dit toujours que l’humour, l’auto-dérision est une forme de politesse pour ne pas faire porter le poids de sa tristesse aux autres. Romain Gary ou encore Jean D’Ormesson incarnaient d’ailleurs parfaitement cette élégance, c’est pourquoi je suis toujours aussi sensible aux histoires tristes que la vie nous inflige mais qui sont contées avec cette distance-là, en nous gardant du pathos. L’humour et les réflexions faussement naïves de Madeleine ont fait que je n’ai pas pu lâcher le livre malgré un sujet de base finalement assez plombant (le suicide du père, le procès du génocide des Khmers rouges en toile de fond).
Touchant : Madeleine est en elle-même très émouvante dans sa quête d’un ailleurs pour l’aider à surmonter sa douleur, tout en maquillant celle-ci d’une bonne couche d’auto-dérision mais la lettre finale du père m’a carrément fait sortir la boite à mouchoirs.
Ce que j’en pense
Plus profond qu’il n’y parait, ce premier roman de Rachel Vanier (je vous ai déjà parlé de son roman “ Ecosystème” que j’avais adoré ), j’ai eu envie de découvrir davantage de son univers et un premier roman raconte toujours quelque chose d’intéressant de l’auteur.
Emouvante Madeleine qui se démène avec un père qui ne réussit pas à affronter la vie et la laisse exsangue à l’aube de sa vie d’adulte en se suicidant. Ce n’est pas plus brillant côté cœur avec l’instable Ulysse. Alors Madeleine craque et fuit au Cambodge sans même assister à l’enterrement de son père. Là-bas elle tente de survivre aux émotions qui la transpercent en essayant d’aider à organiser une Fashion Week locale tout en affrontant les mœurs locales, la pauvreté, une nouvelle langue plutôt ardue et exotique et bien sûr, les innombrables soirées trop arrosées.
Roman d’apprentissage, roman d’une époque qui parle de mal-être, de difficulté d’aimer et de s’aimer, mais aussi d’un pays (le Cambodge) lui-même en reconstruction après avoir été laminé par les purges de Pol Pot… Ces deux là étaient manifestement faits pour se rencontrer. Madeleine va y tirer la force de revenir à la vie et à Paris pour affronter son deuil, mais aussi le coté insatisfaisant de la vie ayant peut-être un peu absorber de fatalisme
Pourquoi ça me parle ?
Parce que la mort d’un de ses parents c’est un sujet que j’essaye dans la mesure du possible d’éviter parce que je sais que je n’en accepte même pas l’idée tout en me demandant régulièrement comment je pourrais continuer à affronter cette vie en sachant que je ne les reverrais plus. Comment je réagirai ce jour-là, je n’ose même pas me le demander et pourtant, c’est inévitable. Alors forcément j’ai été très touchée par la réaction de Madeleine qui fuit à l’étranger, faute d’avoir la force de faire face à la réalité.
Et c’est intéressant à deux points de vue parce que la fuite n’est pas toujours un acte de manque de courage. Il en faut aussi pour ne pas rester immobile, plombée par la douleur à s’apitoyer sur soi et sa douleur, sur l’abandon que l’on ressent. Dans son cas, la fuite est un moyen de ne pas laisser celle-ci l’anéantir, c’est un acte de survie et lui permet avant de se reconstruire pour pouvoir faire ensuite son deuil. Et puis, hasard ou acte manqué, elle part précisément dans un pays où la culture n’est pas de rebeller contre cette injustice qu’est la mort d’un proche mais à l’inverse d’accepter ce qui arrive parce que c’est le Karma.
A l’identique, l’amour fusion avec Ulysse, celui où l’on devient une part de l’autre, où l’on perd sa part d’individualité, empêche Madeleine de devenir qui elle est. Ce départ lui permet de se découvrir et de s’entrevoir plus forte qu’elle ne s’imaginait. En fait, Madeleine vivait constamment en apnée, suspendue à la peur de l’annonce terrible de la mort de son père qui pouvait surgir à tout moment comme elle était suspendue aux désirs d’Ulysse concernant leur relation.
J’ai aussi beaucoup aimé de découvrir cette partie tragique de l’histoire du Cambodge en filigrane de ce roman, qui le rend beaucoup moins superficiel que ce qu’on pourrait imaginer au départ en lisant la quatrième de couverture, donc ne pas s’y fier ! Et puis, faire un voyage exotique grâce à une bonne histoire est toujours dépaysant et nous éloigne nous aussi de nos propres soucis.
Bilan : Livre à lire si vous traversez un moment difficile (ou pas) car son caractère à la fois léger et profond en font une lecture parfaite pour les affronter et peut-être même qu’il vous donnera des envies de “fuite” pour quelque temps. Mais à lire aussi si tout va bien, juste pour passer un vrai bon moment ♥♥
L’auteure Rachel Vanier
Rachel Vanier est née à Budapest en 1988. Après avoir grandi à Lille, fait ses études à Paris, s’être échappée à Boston puis avoir crapahuté au Cambodge, elle tient aujourd’hui un blog et travaille dans le monde non moins dépaysant de l’innovation et des start-up. Ancienne directrice de la communication de l’incubateur de start-up Station F et engagée pour la cause des femmes, elle écrit actuellement son troisième roman. Hôtel International est son premier roman.
2 Comments
Mesmotssurlesleurs
Je ne connaissais pas du tout mais tu m’as rendue curieuse!
Emma
Hello Isabelle
Elle n’est pas très connue comme auteure mais elle a un parcours très inspirant et ce qu’elle écrit est vraiment sympa et plus profond que ce que donnent à penser les couvertures girly que l’on met sur ses livres. Je ne comprend pas d’ailleurs ce choix ! Tu me diras 😉