“Je suis une sur deux“ de Giulia Foïs ! En rangeant mes livres, je suis tombée sur ce titre qui m’intriguait depuis pas mal de temps. Je m’étais levée tôt, c’était dimanche, mon mec dormait, c’était le bon moment pour le lire.
“Je vais me permettre de te tutoyer, tu ne m’en veux pas ? On ne se connaît pas, c’est vrai.
Mais vu ce qu’il vient de t’arriver, je crois qu’on a quelques points communs.
Alors on va faire un truc, si tu veux bien : je t’écris maintenant, et toi, tu me lis quand tu veux. D’accord ?
Moi, j’ai des choses à te dire. Toi, sens-toi libre d’en faire ce que tu veux. D’ailleurs, c’est peut-être par là que je devrais commencer : sens-toi libre de tout, tout le temps, et surtout de refuser.
Ton « non » est un droit élémentaire. Au-delà de respectable, il est inaliénable. Même si on vient de te le piétiner.
Alors, par exemple, tu peux dire : « Non, Giulia, je ne te lirai pas, pas tout de suite, et peut-être même jamais.» Mais je vais juste poser ça là …”..”
☆Pourquoi “Je suis une sur deux” est un livre à lire
☆ Pour le témoignage de Giulia Foïs
☆Pour que les choses changent.
☆Mon avis sur “Je suis une sur deux” de Giulia Foïs
Il y a tant de choses à dire sur ce témoignage que je ne sais par où commencer.
Ou plutôt si !
Je devrais vous conseiller de le lire car le viol n’est pas un fait divers, c’est un fait de société.
Une femme sur deux sera victime au cours de sa vie de violences sexuelles, 12 % d’entre nous seront violées.
Giulia Foïs comme toutes les victimes de viol s’est beaucoup demandé pourquoi ça lui était arrivé : c’est simplement que ça arrive.
Toutes les 7 minutes.
Sa route a simplement croisé celle d’un prédateur.
Dans 9 cas sur 10, la victime connait son agresseur (son père, son oncle, son frère, son ex, son mari…) et c’est encore plus difficile de se reconnaitre victime. La loi ne reconnait le viol conjugal que depuis 2006, c’est dire que c’est encore tout frais.
Giulia a 20 ans quand un homme lui demande de lui rendre service et de l’amener chez un garagiste alors qu’elle récupère sa voiture dans un parking, après le boulot.
Quand ils s’éloignent d’Avignon, il la fait stopper, la gaze, la menace avec un cutter et la viole.
L’agression dure 1h40.
Giulia, en état de sidération, enregistre néanmoins les faits et les caractéristiques physiques de son agresseur avec une précision chirurgicale, ça lui sera reproché.
Elle raconte la violence, le meurtre sans cadavre d’une partie d’elle-même, la sidération, la tête qui se sépare du corps pour surmonter l’insupportable, le reflexe de se laver, d’effacer les traces, la honte et les réactions des autres.
Ceux qui doutent, ceux qui floutent les frontières entre viol et séduction, le silence gêné qui s’installe quand elle parle car le viol est un tabou social. Notre culture est surtout une culture du viol, déjà dénoncé par Virginie Despentes.
D’ailleurs les chiffres sont éloquents : 98 fois sur 100, le violeur s’en sort libre.
Et encore Giulia Foïs c’est ce qu’on appelle un bon viol (pour s’en plaindre) car elle porte un pantalon, il est encore tôt, la journée n’est pas finie et son agresseur est un inconnu armé, il est plus difficile de prétendre qu’elle l’a cherché.
Pourtant son dossier va finir par s’effondrer. Si elle est la bonne victime, son agresseur a le bon profil, celui qu’on ne peut soupçonner d’un tel acte : blanc, responsable de l’entraînement des enfants d’un club de foot, bon contribuable.
Un bon contribuable blanc et footeux, ça rentre pas dans la case. Si je n’étais pas là bonne victime, il n’était pas le bon violeur non plus. Pour ça il aurait dû être étranger. Préférablement « de type maghrébin », si j’en crois le nombre de fois où on m’a posé la question. L’homme qui viole ne peut pas être un « comme nous ».
Et puis elle s’est lavée, et elle a nettoyé sa voiture.
Et puis elle s’est relevée, elle a repris ses études, prend à nouveau le métro.
Normalement un viol on ne s’en remet pas !
Il aurait fallu avoir l’air brisée. Peu importe qu’à l’intérieur elle le soit, on lui oppose : « une victime on la reconnaît de loin”.
Il s’en sortira, blanchit.
Elle raconte alors le combat pour ne pas finir le travail de l’agresseur, pour ne pas retourner sa violence contre elle-même.
Sa première décision de ne pas lui donner une seconde de plus de sa vie, puis l’impossibilité de faire comme si ce viol n’avait pas existé et le long travail de reconstruction.
La lecture de la féministe Clémentine Autain l’a pacifiée, celle de “King Kong théorie”de Virginie Despentes la rend plus forte. Elle comprend que ces femmes sont fortes, libres, debout et vivantes, sans honte.
“Poussée, aidée, protégée par elles, J’allais pouvoir me parler vrai”. “J’étais victime parce que je n’ai pas eu le choix”.
Désormais elle a le choix : celui de ne pas rester cette victime.
Elle est journaliste alors elle va aller à la rencontre d’autres victimes : rencontrer des femmes qui luttent contre cette violence, pour les choses changent.
Octobre 2017, le hashtag #balancetonporc surgit sur les réseaux sociaux. Elle hésite à parler, elle se sent plus légitime pour parler du viol que des violences sexuelles dans le cadre du travail, mais elle se lance.
C’est le fameux tweet “ Un red chef, grande radio, petit couloir, m’attrapant par la gorge : “un jour, je vais te baiser, que tu le veuilles ou non.”
Elle n’a pas identifié l’agresseur mais elle est identifiable. Elle ouvrira la voie en France pour que les femmes s’autorisent à dénoncer à leur tour.
Comment ne pas laisser la moitié de l’humanité ne pas se faire maltraiter par l’autre ?
C’est plus grand que nous.
Mais Giulia Foïs n’est pas effrayée par l’ampleur du chantier : si on s’y met toutes, si on dénonce, si les femmes se mettent à parler, les violeurs seront plus rares car c’est l’impunité qui les autorise à agir.
Et puis, nombreux sont désormais les hommes qui ne se reconnaissent pas dans cette définition de la masculinité toxique qui prend sans consentement, cogne, parle de la sexualité des hommes en terme de pulsions et ne leur accorde “pas plus de subtilité qu’un teckel en rut”.
Ils sont anéantit de découvrir qu’ils font partie, par leur sexe, d’une moitié de l’humanité qui asservit l’autre.
Se battre pour vivre dans un monde où les cogneurs auraient peur de cogner et les violeurs de violer, c’est un chouette projet !
☆Bilan de ma lecture
“Une sur deux” de Giulia Foïs est un témoignage fort, nécessaire et bouleversant sur le viol.
On en ressort plus forte, plus armée pour faire face à cette menace ou à cette réalité car le récit est aussi lumineux.
Il montre que la honte est du côté du violeur, jamais du côté de ses victimes, que l’on peut se relever même quand la justice n’a pas été rendue par les institutions.
On devrait toutes et tous lire “Je suis une sur deux” de Giulia Foïs.
A lire impérativement ♥♥♥♥♥
☆A lire aussi – idées lecture
Impossible de faire l’impasse après cette lecture sur l’actualité littéraire avec le courageux livre de Camille Kouchner “La familia grande”mais aussi celui de Vanessa Springora “Le consentement” qui a emporté haut la main cette année notre prix Femmes Prodigieuses.
Bien sûr, il n’est pas non plus possible de ne pas avoir dans sa bibliothèque “King kong Théorie” (qui est un essai autobiographique) de Virginie Despentes ou l’excellent “Une culture du viol à la française” de Valérie Rey-Robert ou encore le livre de témoignages sur le viol de Clémentine Autain “Elles se manifestent”.
Oh oui, je dirais que dans l’absolu ils ne devraient pas exister (car ça ne devrait tout simplement pas se passer) mais étant donné que notre monde n’est pas idéal, d’autant plus pour les femmes, alors OUI, il faut que ce genre de livres continue d’exister…
Merci pour cette chronique percutante (tout comme le livre doit l’être).
Oui un monde idéal ne peut exister mais quand il est plus facile d’obtenir justice pour une infraction économique que criminelle parce qu’elle concerne majoritairement les femmes, ce n’est pas un monde équitable. Ce livre est effectivement percutant dans tous les sens du terme, je n’avais pas conscience que les auteurs de viol sont, le plus souvent, impunis.
2 Comments
ayok57
Oh oui, je dirais que dans l’absolu ils ne devraient pas exister (car ça ne devrait tout simplement pas se passer) mais étant donné que notre monde n’est pas idéal, d’autant plus pour les femmes, alors OUI, il faut que ce genre de livres continue d’exister…
Merci pour cette chronique percutante (tout comme le livre doit l’être).
Emma
Oui un monde idéal ne peut exister mais quand il est plus facile d’obtenir justice pour une infraction économique que criminelle parce qu’elle concerne majoritairement les femmes, ce n’est pas un monde équitable. Ce livre est effectivement percutant dans tous les sens du terme, je n’avais pas conscience que les auteurs de viol sont, le plus souvent, impunis.