La femme révélée – Gaëlle Nohant
Mon coup de cœur littéraire de cette semaine, c’est “La femme révélée”, le dernier roman de Gaëlle Nohant !
Que j’ai aimé plonger dans ce voyage entre Chicago et Paris entre 1950 et 1970 !
C’est l’histoire d’un exil et un roman d’émancipation qui se dévore avec tant de plaisir qu’il serait surprenant que vous ne succombiez pas à votre tour.
Le titre vous donne déjà un petit indice sur la manière dont cette femme va gagner son indépendance … Voyons voir si vous êtes perspicaces… Sinon vous pouvez lire la chronique ci-dessous pour comprendre quel est cet indice
Thème : Exil, droits civiques, ghetto, racisme, années 50, années 70, fuite, drame, photographie, jazz, Chicago, Paris, relation mère/fils, abandon, la femme révélée, Gaëlle Nohant.
Sommaire
☆ Résumé de l’éditeur
“Paris, 1950. Eliza Donneley se cache sous un nom d’emprunt dans un hôtel miteux. Elle a abandonné brusquement une vie dorée à Chicago, un mari fortuné et un enfant chéri, emportant quelques affaires, son Rolleiflex et la photo de son petit garçon. Pourquoi la jeune femme s’est-elle enfuie au risque de tout perdre ? Vite dépouillée de toutes ressources, désorientée, seule dans une ville inconnue, Eliza devenue Violet doit se réinventer. Au fil des rencontres, elle trouve un job de garde d’enfants et part à la découverte d’un Paris où la grisaille de l’après-guerre s’éclaire d’un désir de vie retrouvé, au son des clubs de jazz de Saint-Germain-des-Prés. A travers l’objectif de son appareil photo, Violet apprivoise la ville, saisit l’humanité des humbles et des invisibles. Dans cette vie précaire et encombrée de secrets, elle se découvre des forces et une liberté nouvelle, tisse des amitiés profondes et se laisse traverser par le souffle d’une passion amoureuse. Mais comment vivre traquée, déchirée par le manque de son fils et la douleur de l’exil ? Et comment, surtout, se pardonner l’abandon d’un fils ?Des souvenirs de la guerre encore brûlants aux injustices raciales, de la vieille Europe où tout semble possible aux Etats-Unis en pleine ébullition politique et sociale, une odyssée vers la modernité. En luttant pour sa liberté, pour la liberté, Violet gagnera le droit de vivre en artiste et en accord avec ses convictions. Jusqu’au jour où, vingt ans plus tard, se profile un possible retour…” |
☆ Pourquoi lire “La femme révélée” de G. Nohant ?
- Parce que l’histoire est passionnante et prenante.
- Parce qu’on y parle d’émancipation féminine, de transmission et de respect de ses convictions.
- Pour l’histoire de Chicago et du mouvement de lutte pour les droits civiques, de l’égalité des droits entre blancs et noirs.
☆ La femme révélée – Mon avis lecture
1950 – 1970 ces années m’obsèdent ! Je les retrouve dans toutes mes dernières lectures même si c’est par inadvertance. J’ignorais que ce roman allait encore prendre pied dans cette période et tant mieux !
En réalité depuis que j’ai lu “La part des flammes” de Gaëlle Nohant, je suis devenue fan de sa plume !
Elle sait créer des personnages attachants qui nous emportent dans le tourbillon de l’Histoire ! J’avais donc hâte de découvrir son dernier roman!
Petite aparté la série Netflix “Le grand Bazar de la Charité” n’est pas une adaptation de son roman « La part des flammes » mais il s’agit de deux créations artistiques qui coïncident par hasard , chacune des œuvres ayant pris pour point de départ le même fait divers mais racontant une histoire différente. Il faudra que je vous en parle dans un prochain post.
En attendant dans ce nouveau roman, j’ai immédiatement souscrit à l’histoire ! Tout ce que j’aime ! Cette période historique me passionne complètement.
Je ne connaissais pas du tout l’histoire de Chicago et j’ai découvert avec sidération la violence de la situation des ghettos noirs, le racisme et les lois “invisibles” non énoncées mais rigoureusement appliquées qui empêchaient toute personne noire de s’aventurer au delà d’un périmètre qui leur était réservé, de postuler à des emplois tacitement réservés aux blancs … Les pratiques sans scrupules de ceux qui exploitent la misère pour s’enrichir, les collusions et complicités des blancs riches et aisés, la peur que l’on cultive chez les middle-class pour mieux servir les intérêts des plus riches.
Eliza était une petite fille qui a grandi avec un père qui avait des convictions, qui se battait pour changer le monde et qui emmenait sa petite fille dans les ghettos pour qu’elle constate de ses yeux la situation, qu’on ne puisse plus par la suite lui raconter une autre histoire. Quand elle rencontre Adams, il ne lui plait pas spécialement mais elle a l’impression qu’il partage ses valeurs et les autres femmes de sa famille, sa mère en tête, lui enjoignent de ne pas faire sa difficile” et de se marier pour trouver sa place. Adams est riche, il va pouvoir lui offrir une vie digne de ce nom, c’est tout ce qui compte.
Eliza va réussir à s’illusionner quelque temps même si elle sent bien qu’elle n’arrive pas à rentrer dans le moule, que quelque chose ne ressemble pas à ce qu’elle espérait de sa vie. Mais on apprend aux femmes à se contenter de ce qu’elles ont et à mettre un mouchoir sur le reste. Et puis elle a un un petit garçon, Tim, alors elle tient bon jusqu’au jour où elle découvre le vrai visage de son mari. Elle ne peut alors faire autrement que de fuir sans pouvoir prévenir personne, avec une simple valise, quelques vêtements, des bijoux, son Rolleiflex, la photo de Tim qu’elle est obligée de laisser derrière elle, et une nouvelle identité. Elle sera désormais Violet Lee. Elle échoue à Paris dans un hôtel de passe et c’est le début d’une nouvelle vie, loin du cadre doré qu’elle a connu jusque-là.
C’est l’histoire d’une émancipation ! Eliza n’a pas réussi dans la première partie de sa vie à être la femme qu’elle espérait, Violet lui offre cette douloureuse seconde chance de pouvoir recommencer et elle va la saisir car elle n’a pas le choix.
C’est intéressant car la liberté d’Eliza/ Violet va procéder d’un échec, d’une sortie de route, de son monde qui s’écroule, d’une impossibilité pour elle de se conformer à ce qu’on attend d’elle. Elle a dû partir sans son fils et on n’imagine pas plus grande douleur, ni plus grand manque mais c’est justement celui-ci qui va lui permettre de renaître. Elle aurait pu attendre que Tim grandisse mais elle se mettait en péril physique et mental car elle était incapable de faire semblant, fuir devenait préférable à cette situation. Ce manque elle pourrait décider de le résoudre et s’en rendre esclave mais elle va au contraire décider de s’en servir pour grandir, pour se dépasser, avoir tous les courages y compris celui de se passer de son fils, de revoir sa propre mère et même de l’amour, et de patienter en attendant son heure.
C’est ce qui va la rendre libre. J’ai d’ailleurs noté cette citation qui est très parlante :
« C’est lorsque nous avons réalisé notre impuissance que nous devenons libres.”
Eliza/Violet réussit à vivre de sa passion, la photographie, à être une artiste, à s’incarner dans un vrai destin qui la rend indépendante. Elle donne pour se réparer au lieu de se recroqueviller sur son insondable tristesse, la malchance, sa première vie foutue, son fils abandonné. Les convictions qui lui ont été transmises son père sont toujours vivaces, ce qui l’intéresse, ce sont ceux qu’elle photographie, ce sont les perdants, ceux que personne ne regarde et auxquels par son regard elle restitue leur dignité.
Etre vu c’est important pour nous autres êtres humains, regarder quelqu’un, il me semble que c’est l’un des plus beaux cadeaux que l’on puisse faire à quelqu’un : lui montrer qu’il existe pour nous, le sortir de la multitude, du monde de l’invisible.
Bref ! je m’emporte ce qui vous prouve combien ce roman m’a percuté, enflammé, combien je l’ai trouvé riche et pas seulement parce que Gaëlle Nohant a accomplit une œuvre de documentation richissime mais parce que les thèmes qui habitent ce roman sont foisonnants.
Il aborde aussi la question mystérieuse de la transmission qui obsède aussi Eliza/Violet. Qu’est ce que son fils va retenir comme vision du monde en ayant grandi avec le père auquel elle a été obligé de le laisser ? Je ne vais pas spoiler la fin du roman mais vous le découvrirez et vous pourrez donc méditer sur la réponse à cette question .
Un roman qui nous plonge dans le monde de la photographie, du jazz ! Donc gros bingo si ce sont des domaines qui vous passionnent. Je vous mets là aussi le lien vers la sublime playlist du livre que vous pouvez retrouver sur mon compte Spotify.
Pour la photographie, elle s’est inspirée des photos de Doisneau, Vivian Maier, Dorothea Lange, Ronis mais les larges descriptions qui sont faites des photos d’Eliza/Violet prend dans le ghetto ont été inspirées par le travail photographique de Russell Lee.
©The New York Public Library – photo de Russel Lee
Les autres grandes vedettes de ce livre, ce sont Chicago et Paris. Le Chicago sombre de la ségrégation, de la violence des classes aisés contre les noirs avec sa police et son maire luttant désespérément pour lutter contre cet irrésistible mouvement de libération. Mais aussi le Paris des petites frappes et de ce brillant Saint-Germain-des-Près qui a aujourd’hui disparu. Le Paris des photos noir et blanc de Doisneau, celui d’une éternelle nostalgie qui nous fait encore parfois vouloir le regarder avec ce filtre.
Seule petite réserve, j’ai été déçue que l’on passe très rapidement sur les vingt années de vie d’Eliza/Violet à Paris.
J’ai ressenti une vraie frustration d’en être écartée, de ne pas suivre davantage les personnages secondaires et leurs histoires.
En réalité, ce livre aurait mérité soit de comprendre le double de pages ou de devenir une saga (ce qui aurait été logique vu le travail de documentation réalisé en amont) même si je comprend le parti pris de l’auteure de s’en tenir au lien de Violet avec l’évolution des droits civiques des afro-américains.
Parfois je me demande aussi si cette exigence faite aux auteurs de devoir livrer des romans rapidement les uns derrière les autres, ne préjudicie pas à la littérature, ne leur laissant plus vraiment le choix de développer ou pas leurs romans et en leur demandant de s’en tenir à un angle bien précis. Bon je ne suis pas éditrice et je ne sais pas non plus si Gaëlle Nohant aurait souhaité développer son roman mais en tant que lectrice, j’ai ressenti un vrai manque en le refermant, celui d’abandonner Eliza/Violet en ayant eu l’impression (comme son fils) qu’une partie de sa vie m’a irrémédiablement échappé.
☆ Bilan
Livre à lire et parfait pour cette période de déconfinement où l’on peut à nouveau se rendre en librairie (#tousenlibrairie), pour l’écriture si juste de Gaëlle Nohant, l’atmosphère « so vintage » de ce roman, pour le courage inspirant d’Eliza même si je ne vous souhaite pas d’avoir à vivre un jour, une situation aussi douloureuse que la sienne.
En lectures complémentaires, je peux vous conseiller : “Une femme en contre-jour” de Gaëlle Josse et « les vies multiples d’Amory Clay » de William Boyd.
“Jackie et Lee” de Stéphanie Des Horts est à lire si cette période vous envoûte.
J’ai beaucoup aimé également “Barbara” de Julie Bonnie ou encore, bien sûr, de Gaëlle Nohant “La part des flammes”.
Sans oublier ce titre génial d’Alexandra Lapierre, « Avec toute ma colère » , la cause des noirs étant l’une des batailles de Nancy Cunard.
Vous aimez les romans historiques et d’émancipation féminine ?
2 Comments
ayok57
C’est drôle, de ce que tu en racontais ça me rappelait justement un peu l’histoire de Vivian Maier.
Encore un livre qui pourrait m’intéresser, un jour, si je venais à bout de ma PAL… 😉
Merci pour le partage, en tout cas. Et bon WE à toi!
Emma
Ahaha Oui je comprends que trop bien !
Mais effectivement j’ai pensé à ce titre tout au long de ma lecture mais aussi au titre de William Boyd « Les vies multiples d’Amory Clay ». Je ne sais plus si je l’ai mentionné, sinon il faut que je le rajoute 😉 Ça peut t’en faire un de plus à lire, au cas où … XD
Bisous ♥