La soustraction des possibles -Joseph Incardona
Ambitieux et magistral ! C’est ce que je me suis dit en refermant “La soustraction des possibles” de Joseph Incardona.
Alléluia ! Je n’avais pas lu un roman avec un tel souffle et pour ce qui me concerne, un tel appétit, depuis des lustres.
Thème : Banques, finance, amour, mœurs, capitalisme, blanchiment de capitaux, Joseph Incardona.
Sommaire
☆ Résumé de l’éditeur
« Fin des années 80, c’est la période bénie des winners. Le capitalisme et ses champions, les Golden Boys de la finance, ont gagné : le bloc de l’Est explose, les flux d’argent sont mondialisés. Tout devient marchandise, les corps, les femmes, les privilèges, le bonheur même. Un monde nouveau s’invente, on parle d’algorithmes et d’OGM. À Genève, Svetlana, une jeune financière prometteuse, rencontre Aldo, un prof de tennis vaguement gigolo. Ils s’aiment mais veulent plus. Plus d’argent, plus de pouvoir, plus de reconnaissance. Leur chance, ce pourrait être ces fortunes en transit. Ils pensent qu’il suffit d’être assez malin pour se servir. Mais en amour comme en argent, il y a toujours plus avide et plus féroce que soi. De la Suisse au Mexique, en passant par la Corse, Joseph Incardona brosse une fresque ambitieuse, à la mécanique aussi brillante qu’implacable.” |
☆ Pourquoi lire “La soustraction des possibles” de Joseph Incardona
- Parce que c’est une plongée ébouriffante dans ce monde de la finance so 80’ où la circulation des capitaux n’est pas encadrée comme aujourd’hui, ce qui donne lieu à des “ballets” de mallettes de billet qui peuvent nous sembler aujourd’hui surréalistes.
- Parce que c’est aussi une histoire d’amour et d’interrogation sur le sens de l’existence.
☆ Mon avis sur “La soustraction des possibles” de Joseph Incardona
Cela se passe à Genève, dans les années 80 et de l’extérieur tout à l’air lisse et parfait.
Mais la plume d’un écrivain, voix off de son propre roman s’interroge et disgresse sur cette jolie société, ses mœurs et ses histoires de fric.
La faim des uns qui les poussent à ne pas se contenter des miettes de ce qu’on les autres, l’envie, le désir de changer de caste, de s’approprier ce qui semble à portée de main, le pouvoir fascinant de l’argent qui circule si facilement. Tout ceci semble à priori raisonnable.
Une comédie humaine grinçante, satyrique qui dresse un tableau savoureux d’une bourgeoisie d’affaires rutilante mais lasse du manque de sel de son existence, de financiers conquérants et arrogants, une mécanique du fric bien huilée dans laquelle brusquement s’engouffrent deux électrons libres, avides de vivre plus et d’obtenir eux aussi leur part du gâteau, une tranche de cette richesse qui semble à portée de main.
Aldo le prof de tennis vaguement gigolo et Svetlana l’ambitieuse chargée de pouvoirs, son double féminin, ont la rage chevillée au corps de s’offrir un meilleur sort que celui que leur réserve l’existence.
Au fond d’eux, ils se sentent de la race des seigneurs, ceux sur lesquels on se retourne, envieux de leur beauté et de leur sex-appeal et ils sont bien décidé à en faire quelque chose pour se libérer des contraintes du quotidien. Alors quand on les charge de déplacer des mallettes d’argent à blanchir, l’idée de se servir ne les épargne pas longtemps.
D’autant que ces deux là s’aiment et même pour eux c’est plutôt inattendu de ne plus “monnayer” leur affection. Ces Bonnie and Clyde version années 80 vont conclure un “optimiste plan d’enrichissement personnel” pensant pouvoir duper aisément ceux qui les emploient. Ils vont vite comprendre que si l’argent circulent facilement, il n’est pas si facile de changer de caste.
Ce roman en trois actes dans lequel l’avidité et l’amour se taille la part du lion est complètement addictif !
Je l’ai terminé à regret ! Reçu dans le cadre du Prix Relay étonnants voyageurs de cette année 2020, c’est le premier ouvrage que j’ai lu de la sélection et je me dis que ça va être compliqué de faire mieux, du moins de mon point de vue, parce que je suis tombée amoureuse de ce faux polar.
Qu’il s’agisse de l’écriture, efficace, cynique et satyrique, de la construction du roman, ses rouages, son suspens et des personnages, des digressions érudites de la voix off, des interrogations plus profondes sur le sens de la vie qui émergent, jusqu’à la parfaite couverture “gold” qui en fait un objet précieux, rien, non RIEN dans ce livre, pas même sa longueur, n’a réussi à essouffler mon enthousiasme.
☆ Bilan
Mon roman coup de cœur de cette année.
Il y a certes un peu de nostalgie pour ces années là (et pas forcément sur le plan économique, hein !), mais peut-être pour l’esprit de liberté et de démesure qui régnait encore, pour les excès qui sont quand même le propre de nos civilisations contemporaines et tellement humaines qu’on peut les regarder à la fois à la lumière d’une réflexion constructive mais aussi avec cette tendresse particulière que l’on peut accorder aux égarements du passé.
Je ne fais pas partie des gens qui comparent. Chaque époque est différente et comporte ces propres bienfaits, erreurs, dérives et maux mais chacune de ses périodes historiques ou plus contemporaines fait partie de notre histoire humaine.
Et je trouve tout ceci dans ce fabuleux roman : la plume cynique qui raconte l’hyper richesse et ses dérives, les désillusions de la “réussite”, la convoitise mais aussi l’interrogation sur le sens de la vie, sur l’amour.
Un cocktail réussi qui rend ce gros pavé parfaitement délectable et réjouissant. ♥♥♥
☆ A lire aussi
Je n’avais encore jamais lu de livres de Joseph Incardona et c’est certainement une lacune à combler. On m’a particulièrement recommandé son titre précédent “Chaleur”, je l’inscris donc sur ma wihlist.
Lecture à rapprocher de l’excellent roman sur la finance mais plus contemporain de Karel Gaultier “Jackson hole” . Et si comprendre un peu mieux l’économie vous intéresse j’ai deux supers bouquins à vous conseiller : “Economix” qui raconte en une BD d’une intelligence folle et distrayante l’histoire de l’économie et “Le triomphe de la cupidité” du prix Nobel d’économie qui s’intéresse aux crises successives et attendues des années 2000 et la nécessité de repenser et réformer le monde et son système économique.
Ahah comme vous avez pu le voir, Myrtille a particulièrement apprécié ce titre, impossible de l’en décoller (je n’ai pas pu résister à glisser ici quelques photos de ce shooting impossible avec miss glue )
A lire avec avidité !! ♥♥♥
Cette histoire vous donne envie de plonger dans ce gros pavé doré ?
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7 Comments
societelivrespolitiquenationaleetinternationale
Bonjour Emma,
Pour la, ou une, recherche philosophique d’un sens de l’existence, je me permets de vous conseiller « Le spectre d’Alexandre Wolf » de Gaïto Gazdanov, un auteur russe, malheureusement toujours aussi peu connu. Michel.
Emma
Bonsoir Michel,
J’ai failli ne pas vous reconnaître, vous avez changé le nom de votre blog ?
Dans ce livre la question du sens de la vie n’est pas philosophique je préfère le préciser 🙂
Je note le nom de cet auteur et le titre car effectivement je ne le connais pas et que cela semble constituer une belle découverte.
Merci beaucoup et j’espère que vous allez bien 🙂
Allezjelis.com
Je ne connaissais pas cet auteur, merci pour la découverte ! 🙂
Ps : tes photos sont toujours aussi sublimes !
Emma
Oh merci !!! ♥♥ En fait j’adore la photo alors je suis contente si ça se voit 🙂
Moi non plus je ne le connaissais pas, je pensais au départ que c’était un primo roman.
C’est un auteur de polar à la base et ce roman est d’ailleurs un faux polar car construit comme tel.
Je suis fascinée par les auteurs de polars, je pense qu’en terme de technicité d’écriture, ils sont vraiment très efficaces.
Merci pour ton passage ♥
Allezjelis.com
Je connais très peu le polar, j’espère en découvrir plus avec le temps, notamment grâce aux personnes / blogs que je suis ^^
ayok57
Il faut que j’arrête de lire tes articles sur tes lectures, à chaque fois tu me donnes envie mais, vu mon rythme de lecture, je n’aurais sûrement pas assez de 10 vies (au bas mot lol) pour lire autant que toi :’-)
Emma
Ahaha Pourtant je fais des efforts !! Je ne vous propose plus qu’une ou deux lectures par semaine, le but étant justement de ne pas vous ensevelir. Mais forcément ce ne sont plus que des lectures de qualité puisque je présélectionne beaucoup en amont désormais. Imagine ce que les blogueurs vivent avec tous ces bons bouquins ! On doit sans cesse faire des choix car effectivement il n’est pas possible de tout lire même avec une cadence de lecture élevée :-)♥