Sofia Aouine - Rhapsodie des oubliés - Blog littéraire
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Rhapsodie des oubliés -Sofia Aouine

 

La rentrée littéraire s’annonce bien ! Sofia Aouine nous livre avec “Rhapsodie des oubliés”, un premier roman éblouissant. Comment raconte-t-on l’enfance qu’on nous a volé ?

Thème : enfance, Goutte d’or, Paris, quartier, 18e arrondissement, Barbès, intégrisme, sexualité, adolescence, délinquance, violence, famille, bêtises, rentrée littéraire 2019.

Rhapsodie des oubliés - Sofia Aouine - Blog Littéraire

 

☆ Résumé de l’éditeur

 

« Ma rue raconte l’histoire du monde avec une odeur de poubelles. Elle s’appelle rue Léon, un nom de bon Français avec que des métèques et des visages bruns dedans ».
Abad, treize ans, vit dans le quartier de Barbès, la Goutte d’Or, Paris XVIIIe. C’est l’âge des possibles : la sève coule, le coeur est plein de ronces, l’amour et le sexe torturent la tête. Pour arracher ses désirs au destin, Abad devra briser les règles. A la manière d’un Antoine Doinel, qui veut réaliser ses 400 coups à lui.
Rhapsodie des oubliés raconte sans concession le quotidien d’un quartier et l’odyssée de ses habitants. Derrière les clichés, le crack, les putes, la violence, le désir de vie, l’amour et l’enfance ne sont jamais loin.

 

 

Pourquoi  lire “Rhapsodie des oubliés” de Sofia Aouine 

 

Parce que Abad est complétement attachant et que dans ses pas et son regard tendre et espiègle, on voit passer toute la violence d’une époque. Un personnage qui doit beaucoup à celui de La vie devant soi de Romain Gary mais aussi aux quatre-cents coups de François Truffaut.

 

Mon avis sur « Rhapsodie des oubliés »

 

Très belle surprise de cette rentrée littéraire que ce premier roman de Sofia Aouine qui nous conte l’adolescence d’un jeune garçon du quartier de la Goutte d’Or. Elle donne la parole à un de ces enfants des quartiers que l’on entend pas jamais.

Abad a treize, des potes, des parents pas mal occupés et tout le temps de trainer dans son quartier et de faire des bêtises de son âge. Seulement voilà, quand tu habites ce genre de quartier et que tu n’as pas une tête de français, les erreurs de jeunesse se transforment vite en actes de primo délinquant, quand elles ne sont pas sévèrement réprouvées par ceux qui tentent de prendre le contrôle des lieux.

Ce qui préoccupe beaucoup Abad c’est la banette et il trouve souvent plus fascinant que Youporn, juste en regardant par la fenêtre, chez les voisins. Alors il invite aussi ses potes pour en profiter et ça peut vite mal tourner. Mais il y a aussi l’amour pour une “batman” séquestrée par son frère qui s’est brusquement décidé à prêcher dans le quartier ou l’amitié avec Gervaise, la pute au grand cœur, qui a atterrit ici pour nourrir sa fille Nana, restée chez la grand-mère et qui n’en finit jamais de rembourser des dettes (on notera au passage le clin d’œil fait à Zola) .

Car derrière les mots d’Abad pour raconter son quotidien d’enfant encore naïf, turbulent, espiègle, tendre et frondeur, on entraperçoit toute la violence de son quartier: le crack, les trafics en tous genre, la montée de l’intégrisme capturé par des manipulateurs, les femmes enfermées ou esclavagisées, la vie qui ne vaut pas grand-chose, l’ignorance, la pauvreté et les enfants livrés à eux-mêmes.

Mais le plus exceptionnel, c’est la manière dont Sofia Aouine s’est emparée du sujet dans une langue riche, râpeuse, flirtant avec celle du roman noir augmentée de celle de la rue d’aujourd’hui, de la soul music, du hip-hop et de références ultra classiques qui vont de Zola, Romain Gary, à François Truffaut en passant par Françoise Dolto.

Car Sofia Aouine a créé son propre langage, qui échappe à la norme, cru et auquel elle insuffle poésie, lumière, tendresse et bienveillance et avant de le teinter avec des couleurs bigarrées de la cité. Un style capable de transcender un documentaire en un roman tumultueux, coloré, tendre et brillant, de brosser avec de la lumière, une peinture réaliste d’un quartier, d’une époque, d’une génération pour laquelle les rêves se fracassent dès le seuil de la porte franchit.

Ce roman révèle la personnalité singulière de Sofia Aouine, fille de l’assistance à l’aide à l’enfance où elle a été placée pendant près de 20 ans (1978/1998) par son père parce que née d’un couple arrangé qui ne fonctionnera jamais et née fille, de surcroit.

Elle se raccrochera à la radio et à François Truffaut, dont elle dit qu’ils sont cette mère et ce père dont il fallait pallier l’absence. Recherchant dans la culture de quoi se substituer à celle qui ne lui est pas transmise.

Et puis écrire, pour peut-être comprendre la phrase énigmatique et sibylline que lui lança un jour son père, sans y accoler plus d’informations :” En te voyant et en t’observant Françoise Dolto disait que tu écrirais”.

A quoi tient un destin ? … en tout cas, Françoise Dolto avait raison, il est en train de se réaliser pour Sofia Aouine.

Bref ! Vous l’aurez compris, ce roman truffés de références et au style décomplexé, résultat d’un mix réussi de culture traditionnelle et urbaine, c’est tout ce que j’aime !

Allez, je vous mets un petit extrait pour vous donner un aperçu de son écriture Winking smile

 

Adossé à la cheminée, je regarde les grosses lettres qui clignotent…Tati…Tati…Le magasin préféré des daronnes et des blédards, notre tour Eiffel à nous. Un truc que le monde entier nous envie et qui est connu au fin fond de l’Afrique et de la Papouasie. Tati or, Tati maison, Tati chaussures, Tati slips, Tati mariage : la Mecque des jeunes pucelles prêtes à se marier et des mères hystériques qui aimeraient redevenir pucelles le temps d’une nuit de noces. La plus grande salle de jeu du monde, caverne d’Ali Baba des pauvres où tu trouves de tout Tu peux te marier, manger, vivre et peut-être même mourir un jour. Je suis sûr qu’ils finiront par y vendre des cercueils en vichy rose et bleu. »

 

  Bilan de ma lecture

 

Un gros, gros coup de cœur pour cette première lecture de la rentrée littéraire.

Un premier roman éblouissant sur l’enfance, la famille, l’exil, la rue.

Un style qui peut bousculer mais assurément un style qui déchire et d’où surgit l’émotion. Ce roman a d’ailleurs depuis obtenu le Prix de Flore (2019), prix largement mérité ♥♥♥

 

 

Ce premier roman vous tente ?

 

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