Le courage des autres – Hugo Boris
“Le courage des autres“ d’Hugo Boris, c’est la pépite que j’ai dévoré ces dernières semaines. Le genre de livre que vous pouvez emporter sur vos trajets quotidiens (ou vous les rappeler puisque nous sommes en plein confinement).
Thème : Courage, petites lâchetés, peur, cran, violences quotidiennes, violences urbaines, agressions, RER, métro, sidération, danger, Hugo Boris.
Sommaire
☆ Résumé de l’éditeur
“Il y a quinze ans, tout juste ceinture noire de karaté, Hugo Boris est témoin d’une altercation dans les transports en commun. Paralysé, il se contente de tirer la sonnette d’alarme. Ce manque de courage l’obsède. Est-ce un trait de son caractère ou une peur universelle d’affronter l’autre, l’inconnu, au quotidien ? Intrigué, il se met à observer ses contemporains dans le métro et le RER, tranches de vies entre parenthèses, rencontres fugaces, purs instants d’humanité. Il consigne sur le vif des situations d’effroi mais aussi le ravissement d’un dialogue, l’humour d’un échange imprévu. Il se demande si le courage est contagieux…” |
☆ Pourquoi “Le courage des autres” est un livre à lire ?
☆ Pour le sens affuté de l’observation d’Hugo Boris.
☆ Pour le questionnement sur le courage.
☆ Mon avis sur “Le courage des autres” d’Hugo Boris
Le courage est-il contagieux ?
C’est en gros la question que se pose Hugo Boris suite à une agression dans le métro dont il a été témoin mais dans laquelle il n’a su intervenir autrement qu’en demandant à quelqu’un de tirer la manette d’arrêt d’urgence. Depuis il s’interroge sur cette lâcheté incompréhensible pour lui, devant le danger.
Ce qui est douloureux pour l’auteur, c’est de constater in situ son manque évident de courage, l’état de sidération qui le cloue sur place et l’empêche de prendre aucune véritable initiative pour porter secours à une éventuelle victime.
Et c’est d’autant plus douloureux qu’il se sentait fort. Ceinture noire de karaté, invincible sur le tatami mais lâche dans la vraie vie. C’est une claque ! Alors il va “herboriser” : consigner dans un petit carnet ses observations sur le courage des autres ou leur absence, lors de ses déplacements dans Paris entre RER et métro. Essayer de comprendre ce qu’ont de différent ceux qui agissent.
Il se rend bien compte que cela va au-delà du courage d’intervenir. Il est une victime dans l’âme et les autres le sentent. Certains se permettent avec lui des comportements qu’ils n’auraient pas avec d’autres. A quoi cela tient-il ? A une façon de marcher, de se tenir, de regarder ?
« Les prédateurs mammifères s’attaquent en priorité aux individus présentant une apparence malade ou affaiblie, afin d’obtenir de la nourriture avec un minimum de risque et d’énergie dépensés. De manière analogue, les prédateurs humains recherchent une victime facile. ils évaluent toujours les signes annonciateurs de force et les marques de faiblesse chez le candidat à l’agression. La force apparente agit comme un « feu rouge », tandis que la faiblesse apparente agit comme un « feu vert ». A ce titre, le prédateur humain fonctionne à rebours des comportements sociaux bienveillants habituels.”
Il dissèque ainsi les comportements de ses semblables, guettant leurs réactions, leurs postures, cherchant l’explication ou la recette de ce qui fait le héros d’un jour et qui pourrait lui rendre son courage, citant ses lectures et des auteurs littéraires mais aussi, plus inattendu, ses références trouvées dans “Dragon magazine”. Ce qui prouve bien qu’il n’y a pas de bonnes ou mauvaises lectures mais simplement ce qu’on en retient et fait.
Il nous offre ainsi une succession de petits récits du quotidien, fruits de ses années d’observation mais aussi de ses propres inconsciences (le transport du fusil, accessoire de film, est mémorable).
C’est touchant, original, parfois drôle mais surtout vibrant d’humanité.
On doit saluer le sens aigu de l’observation d’Hugo Boris qui permet de nous offrir cette fresque d’anonymes plus attachants les uns que les autres et certains passages que vous ne pourrez pas oublier, comme celui de cette dame, un jour de forte chaleur, qui s’agite, râle et s’indigne avec véhémence car les fenêtres du RER sont bloquées ( je ne vous dévoilerais rien de plus car je vous gâcherais le plaisir de la chute). Ou encore cette scène incroyable qu’il surprend entre une jeune femme et son amoureux.
Comme quoi, observer nos contemporain est une source inépuisable de surprises.
Je vous laisse d’ailleurs avec cette magnifique citation de Michel Tournier, qu’Hugo Boris utilise pour fermer ce récit.
“Il y a un signe infaillible auquel on reconnait qu’on aime quelqu’un d’amour, c’est quand son visage vous inspire plus de désir physique qu’aucune autre partie de son corps.”
☆ Bilan de ma lecture
“Le courage des autres” d’Hugo Boris est un livre qui se dévore et nous renvoie à nos propres peurs, lâchetés, couardises.
J’ai aimé emprunter les couloirs, les lignes de métro et de RER à ses côtés et ouvrir les yeux avec lui. Observer, je le faisais déjà car rien n’est plus passionnant que les fragments de vie et d’histoires que nous laissons malgré nous échapper dans ces lieux publics où nous sommes au coude à coude mais désormais je le ferai avec le souvenir de ce titre. Cela m’a donné aussi l’envie « d’herboriser » à mon tour.
A lire si vous aimez les livres qui questionnent, où l’humain et nos faiblesses ont le premier rôle ♥♥♥
☆ A lire aussi – idées lecture
Tout le long de ce roman je n’ai pu m’empêcher de penser au récit de Léon Cornec “Sortie de rails” dont je vous ai déjà parlé. Ce n’est pas le même sujet mais il y a la même atmosphère urbaine, une violence d’un ordre différent et ce même recul, ce sens de l’observation avec les questionnements qui s’enchainent inévitablement.
Je pense que ces deux livres se complètent et brossent un portrait assez juste de la société dans laquelle nous vivons, des dessous du monde urbain (ils prennent d’ailleurs place tous les deux très justement, dans les transports en commun).
J’ai aussi pensé au “Journal du dehors” d’Annie Ernaux qui, pareillement, relève ce qu’elle saisit dans le RER (puisqu’elle habite Cergy Pontoise et le prend souvent) mais aussi dans d’autres lieux urbains comme les supermarchés et gares… Titre qui me revient d’autant plus en mémoire que je lis actuellement une interview télévisée qu’elle a retranscrit dans “Le vrai lieu”.
Je ne connaissais pas du tout la plume d’Hugo Boris. J’ai beaucoup entendu parler de “Police” lors de sa sortie, trop peut-être car je n’ai pas eu envie de le lire. Ce titre m’incite par contre à le faire aujourd’hui, ainsi que ses autres romans. Je retiens particulièrement “Le baiser dans la nuque” et “Je n’ai pas dansé depuis longtemps” qui m’ont tapé dans l’œil.
Vous aimez les récits urbains ?
2 Comments
ayok57
Merci Emma pour cette chronique, je ne connaissais pas du tout mais tu m’as donné envie de découvrir ce livre 🙂
Bon retour ici, en espérant lire encore beaucoup de ton retard 😉
Emma
Coucou Anne-France
Heureuse de te retrouver par ici ! Ouiii ça faisait longtemps, donc j’ai pas mal de chroniques DE BONS LIVRES sur le feu.
Une chouette découverte que la plume d’Hugo Boris. J’ai hâte de mettre le nez dans d’autres de ses livres.
J’espère que ce titre te plaira autant que moi, mais il n’y a pas de raison.
Bisous ♥