Alexandra Lapierre - Belle Greene
Lectures,  Roman biographique

BELLE GREENE – Alexandra Lapierre

“Belle Greene“ d’Alexandra Lapierre ! Quel coup de foudre que ce roman biographique !

Thème : Destin de femme, Amérique, années 1900, Morgan Library, JP Morgan, Belle Da Costa Greene, ségrégation raciale, passing, racisme, bibliophilie, incunables, livres anciens, afro-américaine, destin hors norme, portrait de femme, biographie romancée, Alexandra Lapierre.

 

Belle Greene - Alexandra Lapierre

 

Résumé de l’éditeur

 

“New York, dans les années 1900. Une jeune fille, que passionnent les livres rares, se joue du destin et gravit tous les échelons. Elle devient la directrice de la fabuleuse bibliothèque du magnat J.P. Morgan et la coqueluche de l’aristocratie internationale, sous le faux nom de Belle da Costa Greene. Belle Greene pour les intimes. En vérité, elle triche sur tout. Car la flamboyante collectionneuse qui fait tourner les têtes et règne sur le monde des bibliophiles cache un terrible secret, dans une Amérique violemment raciste. Bien qu’elle paraisse blanche, elle est en réalité afro-américaine. Et, de surcroît, fille d’un célèbre activiste noir qui voit sa volonté de cacher ses origines comme une trahison.
C’est ce drame d’un être écartelé entre son histoire et son choix d’appartenir à la société qui opprime son peuple que raconte Alexandra Lapierre. Fruit de trois années d’enquête, ce roman retrace les victoires et les déchirements d’une femme pleine de vie, aussi libre que déterminée, dont les stupéfiantes audaces font écho aux combats d’aujourd’hui..”

 

Pourquoi  “Belle Greene” est un livre à lire

 

Pour découvrir le fabuleux destin de la directrice de la prestigieuse Morgan Library.

Pour le talent de biographe et de conteuse d’Alexandra Lapierre.

 

Mon avis sur “Belle Greene”

 

Inutile de vous dire que lorsque j’ai reçu ce gros pavé, j’ai sauté de joie. D’abord parce que je suis une vraie fan de la plume d’Alexandra Lapierre et ensuite, parce plus de 500 pages à lire quand on aime une autrice, c’est un véritable cadeau !

Comme dans ses précédents titres, Alexandra Lapierre sort de l’ombre, un incroyable destin féminin. J’ai donc ouvert ce livre avec fébrilité, j’avais hâte de faire la connaissance de Belle Da Costa Greene et je n’ai pas été déçue.

Quel travail colossal de documentation ! Non seulement Belle Greene était flamboyante, brillante, inépuisable et sa vie riche en rebondissements, voyages, amours mais elle a également vécu longuement (71 ans, même si elle en déclarait 15 de moins), tout en cachant l’essentiel de ce qui la concernait, elle et sa famille. Autant dire que suivre sa trace n’a pas du être de tout repos pour Alexandra Lapierre. Je serais curieuse de savoir combien de temps, elle a porté l’écriture de cet ouvrage.

Belle est la fille d’un célèbre activiste noir, Richard Greener (premier avocat noir issu d’Harvard, consul en Russie…) mais celui-ci se désintéresse complètement de sa famille. La famille de Belle a beau être issue de la bourgeoise noire intellectuelle et l’esclavage abolit depuis 1898, les lois Jim Crow sont passées par là pour instaurer la ségrégation raciale. Une seule goutte de sang noir dans la généalogie condamne au ghetto noir.

Mais si leur père est bien noir de peau, Belle, sa mère et ses frères et sœurs ont en revanche, la peau claire. Belle décide qu’ils vont devoir se couper du reste de leur famille et s’inventer une autre filiation pour se faire passer pour des blancs. Pour Belle, il est hors de question de ne pas pouvoir vivre sa vie en grand. En outre, ils ont besoin d’argent et elle ne peut accéder à des emplois intéressants que si elle est blanche.

Malgré le danger du “Passing” qui consiste à se faire indûment passer pour un blanc et risquer la peine de mort, Belle et sa famille vont faire le serment, non seulement de ne jamais révéler leurs véritables origines mais aussi de ne jamais faire d’enfants. C’est une terrible concession qu’ils acceptent tous ce jour-là car il ne pourra y avoir de retour en arrière.

Belle Greene aime les livres, alors elle se lance. D’abord comme simple agent à la bibliothèque de Princeton où elle va rencontrer Junius, qui est non seulement le neveu du célèbre magnat JP Morgan, mais aussi son conseiller pour l’achat des livres précieux de sa bibliothèque. Le rêve de l’homme d’affaires, c’est de ramener aux Etats-Unis, le plus grand nombre d’ouvrages de grande valeur, d’œuvres d’art et d’en faire une chance culturelle pour son pays. Belle se révèle extrêmement douée, elle apprend vite, travaille sans compter son temps et négocie avec un exceptionnel talent.

Très rapidement, elle emporte des œuvres inestimables au nez de bibliophiles aguerris. Livres anciens, incunables, manuscrits, elle a un œil sûr et les moyens pour emporter des pièces inestimables. Elle a aussi le don de savoir charmer et de savoir se faire respecter dans ce milieu d’hommes. Junius fier de sa protégée n’aura pas de mal à l’imposer à JP Morgan.

 

“Elle savait exactement ce qu’elle voulait faire. Travailler parmi les livres. Depuis l’âge de douze ans, elle répétait qu’elle aimait les regarder, les toucher, et aussi les respirer… Qu’elle ressentait l’âme des livres… Qu’elle percevait ce qu’ils exhalaient de rêves, d’émotions et de beauté. Il était inutile pour elle de suivre des cours de couture ou de secrétariat, comme les autres jeunes filles qui attendaient de se marier. Au contraire de ses camarades, elle ne voulait convoler à aucun prix. Les livres valaient tous les maris du monde.”

 

Rien ne peut arrêter son ascension. JP Morgan ne jure plus que par elle et malgré le caractère tyrannique de celui-ci, Belle le lui rend bien. Très rapidement elle devient célèbre dans ce milieu très fermé et est l’une des femmes les mieux payées des Etats-Unis.
Même au décès de son Big Chief, la succession  se révélant délicate pour la situation de Belle qui a perdu son protecteur, elle saura rebondir et finira par obtenir le poste à vie de directrice de cette prestigieuse bibliothèque, admirée des bibliophiles du monde entier. Mieux, la bibliothèque et ses ouvrages seront finalement  mis à la disposition de tous, pour le rayonnement du savoir et de la culture. C’était le rêve poursuivi par ces deux-là.
 

 

If you dream, dream big. La devise qui, dans son adolescence, avait orné ses cahiers d’écolière, la reprenait toute entière. Renouer avec le rêve de sa vie : transformer la Morgan Library en une institution du niveau de la Bibliothèque nationale de France et du British Museum. Une gageure. Car au sein même des Etats-Unis, des rivaux surgissaient de partout avec ne nouvelle ambition : supplanter le Big Chief et lui arracher le titre de l’homme qui possède la Bible la plus chère du monde.”

 

Belle Greene est aussi un roman sur la Morgan Library, ce qui permet de découvrir son histoire, quel rêve poursuivait JP Morgan et que l’aida à concrétiser Belle. Ils avaient le même, cela leur a permit de se comprendre et les rapprocher. Je vous laisse admirer cette fabuleuse bibliothèque, ci-dessous.

Il est d’ailleurs curieux de voir comment Belle et son père, batailleront en fait, chacun de leur côté, pour la même chose : l’égalité devant la connaissance.

 

Belle Greene - Morgan Library New-York

Morgan Library New-York Madison Avenue – @Susan Q Yin

 

 Si Belle Greene a eu une vie extraordinaire, elle ne le doit qu’à  son énergie, sa capacité de travail titanesque, son insatiable besoin d’apprendre, sa passion des livres, sa vision mais aussi à sa capacité à aimer les autres. Il fallait supporter son Big Chief mais elle a fait mieux que cela, : elle a su sincèrement s’attacher à lui et lui donner son affection.
Chez elle les sentiments étaient étroitement liés à l’admiration qu’elle portait aux hommes. Ainsi elle aima en vain son “beloved Junius”, son mentor mais aussi passionnément le brillantissime et égoïste Bernhard Berson qui ne quitta jamais sa femme, malgré l’amour qu’il lui vouait. De ces amours, elle garda le meilleur, celui d’avoir eu la chance d’apprendre aux côtés des meilleurs experts du monde de la bibliophilie.

Et puis, il faut quand même s’imaginer ce que doit représenter une vie où l’on doit sans cesse mentir sur soi (son âge, ses origines, cacher ses amours…), l’écartèlement constant entre qui l’on est vraiment et qui l’on doit feindre d’être.

Je n’ose imaginer le poids de ce secret et combien le risque d’être sans cesse démasquée devait lui peser lourdement. D’autant qu’elle était aussi un personnage public, souvent prise en photo (elle s’arrangeait toujours pour le cliché soit flou), alors qu’elle devait à tout prix rester discrète et dans l’ombre car son père pouvait facilement la reconnaitre et dévoiler leur filiation.

Belle sera prise de doutes à un moment de sa vie, avec l’impression, de non seulement se trahir elle-même mais également les siens. C’est d’ailleurs ce que lui reprochera son père : d’avoir réussi brillamment mais de n’avoir pas mis cette réussite au service de la cause noire.

Quel fut le véritable prix à payer pour cette vie de mensonges ? On ne le saura pas vraiment mais il est évident que si le roman s’attache à raconter le destin extraordinaire de Belle Da Costa Greene, il ne révèle pas grand chose de ses états d’âme. Il faut dire qu’elle a consciencieusement tout brûlé avant de mourir pour ne pas laisser de traces la trahissant et qu’elle devait certainement éviter de s’épancher dans un journal pour les mêmes raisons. Mais je pense que cela aurait été passionnant d’avoir aussi cette version de son histoire.

 

Bilan de ma lecture

 

“Belle Greene” d’Alexandra Lapierre nous livre une biographie romancée extrêmement dense et bien documentée : le portrait d’une femme exceptionnelle, Belle Greene, directrice de la prestigieuse Morgan Library. Un destin de femme inoubliable à côté duquel on ne peut pas passer.

Je retiendrai de Belle Greene, son énergie, sa passion, son investissement total, son travail, sa générosité et sa soif d’apprendre. Elle a pris soin des siens tout au long de sa vie, travaillé dur et protégé son indépendance, quoi qu’il lui en coûte.

A lire si vous aimez les biographies de femmes prodigieuses, l’Amérique, les livres, les années 1900 et si la question de la ségrégation raciale vous intéresse ♥♥♥♥♥

 

A lire aussi – idées lecture

 

Je vous conseille TOUS les livres d’Alexandra Lapierre, mais j’ai lu et apprécié particulièrement “Avec toute ma colère”, “L’excessive” et “Elles ont conquis le monde : les grandes aventurières : 1850 –1950”. 

 “Moura” m’a été chaudement recommandé mais je ne l’ai pas encore lu, donc vous pourrez peut-être me faire un retour si vous le lisez avant moi.

Là aussi je vous renvoie sur mon article  BLACK LIVES MATTERS – 12 livres pour mieux comprendre la cause noire, si vous avez envie de mieux comprendre l’Amérique raciste et la cause noire.

J’ai aussi pensé à ce roman lu récemment (mais que je n’ai pas eu le temps de chroniquer), “Alabama 1963” de Ludovic Manchette et Christian Niemiec qui aborde cette question de la ségrégation raciale à travers une histoire de disparitions et meurtres de petites filles noires dont personne ne se préoccupe.

Et si vous aimez les biographies féminines et l’Amérique, vous pouvez aussi lire la biographie romancée des sœurs Kennedy, “Jacky et Lee” de Stéphanie des Horts.

 

 

Vous avez déjà lu Alexandra Lapierre ?

Découvrir le destin de Belle Greene vous a donné envie de lire le livre ?

 

 

Alexandra Lapierre - Belle Greene

 

 

 

2 Comments

  • ayok57

    Je connais le nom de cette autrice mais n’ai lu aucun de ces livres.
    Le destin dont tu parles a certes l’air passionnant mais ce n’est cependant pas le genre d’histoires que j’ai envie de lire.

    • Emma

      Je comprends, on n’est pas inspiré ou stimulé par les mêmes choses comme on n’a pas les mêmes attentes en général et sur ses lectures. C’est à chacun d’aller vers ce dont il a besoin. Cela dit, c’est aussi une chance car cela te fait une tentation de moins 🙂
      Merci Anne-France pour ton petit mot ♥

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