Olivia Ruiz - la commode aux tiroirs de couleur
Lectures

La commode aux tiroirs de couleurs – Olivia Ruiz

Premier roman d’Olivia Ruiz, “La commode aux tiroirs de couleurs” a été l’une des révélations littéraires de ce printemps/été déconfiné.

Olivia Ruiz s’inspire de sa propre histoire familiale, qu’elle ne connait pas, pour créer une fiction lumineuse sur la quête d’identité, le poids des racines et des secrets, le déracinement, l’exil mais aussi l’amour.

 

Thème : Exil, quête identitaire, trouver sa place, guerre civile espagnole, amour, femmes, transmission, franquisme Franco, France, migrants, secrets de famille,  livre, roman, Olivia Ruiz.

Olivia Ruiz livre - la commode aux tiroirs de couleurs

 

 

Résumé de l’éditeur

 

“Rita a 10 ans lorsqu’elle embrasse ses parents pour la dernière fois sur le quai de la gare avant de prendre ce train, avec ses sœurs Leonor et Carmen, qui leur fera quitter l’Espagne de Franco pour la France et Narbonne.

Sa mère leur a appris le courage et que chacun est maître de son destin.

Héritant aujourd’hui de la commode tant convoitée de sa grand-mère, l’une de ses petites filles, la fille de Rita, va en ouvrant chacun des 10 tiroirs colorés de celle-ci, découvrir tous les secrets de cette histoire liée à celle de la guerre civile espagnole, qui a décidé du destin de quatre générations de femmes.”

 

 

Pourquoi lire  “La commode aux tiroirs de couleurs” d’Olivia Ruiz

 

Parce que c’est un livre lumineux, émouvant et résilient.

Parce suivre Rita, cette jeune femme qui a l’envie féroce de vivre mais aussi de s’intégrer, tout en restant maître de son destin dans un pays qui n’est pas aussi accueillant que ce qu’il y parait, est une belle leçon de vie et de courage.

Cela nous amène aussi à réfléchir sur la manière dont nous percevons et accueillons les “autres”, ces migrants tout en nous revendiquant terre d’accueil.

 

La commode aux tiroirs de couleurs - Olivia Ruiz

 

Mon avis sur “La commode aux tiroirs de couleurs” d’Olivia Ruiz

 

C’était certainement pour moi la lecture la plus attendue pour cette reprise de “vie normale”.

Olivia Ruiz, c’est la fille du pays, celle qu’on a suivi avec attention lorsqu’elle a fait la première “Star Academy”, dont on a été très fiers, quand frondeuse et déterminée, elle a fait le siège des auteurs qu’elle admirait pour qu’ils lui écrivent des textes qui lui ressemblent parce qu’elle ne voulait pas qu’on lui impose des choix à la guimauve.

On a alors bavé d’admiration devant “Sa femme chocolat” et la pochette de dingue qui l’accompagnait, tout en fredonnant “J’traine des pieds”. Olivia Ruiz, c’est celle qui résiste pour trouver sa place et qui nous fait fondre, ce roman est tellement à son image ! J’ai parfois la chance de la croiser dans un petit café sur la place derrière chez moi mais je n’ai jamais voulu la déranger, elle a le droit d’avoir sa vie et écrire ici me suffit.

Par contre j’ai eu l’occasion de pouvoir aller l’écouter, avec mes copines de Perpignan, pour la sortie de son livre à la librairie Cajelice à Perpignan (avec Cali en  intervieweur guest star !). On a même croisé, juste avant, au café, Cyril Massarotto ! Que ceux qui disent qu’il ne se passe rien d’intéressant dans le sud, se taisent ahah.

Bref, c’était cool, chaleureux, authentique à l’image de ces deux-là. Ce qui m’a permit d’en apprendre davantage pour compléter cette chronique, qui était déjà écrite, mais aussi de vous offrir quelques photos sympas de cette rencontre, un peu comme si vous y étiez.

J’ai donc ouvert ce livre avec une certaine émotion. Je passe régulièrement devant Le café de la Terrasse (que tenait sa famille) lorsque je me rends à Toulouse par la Minervoise et il m’est impossible de traverser Marseillette avec son panneau qui déplorait la fermeture du bureau de poste sans penser à elle (je ne sais pas pourquoi j’ai associé ces deux faits mais c’est ainsi).

C’est une chose bizarre que de lire une histoire dont tant de lieux nous sont familiers, comme s’il s’agissait de quelqu’un de notre famille et d’y retrouver une filiation d’histoire avec des membres de sa propre famille ayant fuit eux aussi l’Espagne franquiste.

J’aurais voulu pouvoir offrir ce livre à ma mamé, Lola, je sais qu’elle aurait été bouleversée. J’ai regretté aussi de ne pas avoir posé plus de questions comme si son histoire avait seulement commencé avec sa naissance sur le sol français.

Je réalise que souvent ceux que l’on aime partent avec leurs secrets.

 

Olivia Ruiz - la commode aux tiroirs de couleurs

 

C’est cette porte là qu’à voulu pousser Olivia Ruiz, celle qui permet de savoir d’où l’on vient pour savoir où l’on va afin de trouver enfin sa place. Lever les non-dits, les secrets de famille, ce que chacun terre au fond de soi pour oublier et s’intégrer, en omettant que la transmission est autant essentielle pour ceux qui suivent que d’avoir l’impression d’être d’ici.

Mais les exilés préfèrent le plus souvent le silence, ne pas revivre le trauma de l’abandon du pays, s’intégrer à tout prix, devenir français. L’exil c’est la double peine : celle de la perte de chez soi et celle d’être mal reçu ailleurs, d’être étranger, parfois considéré comme un intrus. Alors les premiers se taisent et gomment ce qui les rend différents et la seconde génération est prisonnière de ce silence, qu’elle sait ne pas devoir briser, le porte et la transmission ne se fait alors plus.

L’exil est une plaie qui ne se referme jamais, en nier la douleur c’est la faire porter confusément aux générations qui suivent. C’est avec cet héritage silencieux qu’Olivia Ruiz tente de remettre les compteurs à zéro car devenu maman, c’est à son tour de transmettre le poids des racines et d’expliquer le trauma du déracinement, cette sensation confuse d’être là mais aussi de venir d’ailleurs.

 

Olivia Ruiz livre - la commode

 

A travers l’histoire de Rita et de ses sœurs, Leonor et Carmen, mises dans un train pour Narbonne par leurs parents républicains pourchassés par la milice de Franco, on dénoue les secrets de cette famille d’exilés liés à la grande histoire.

La commode héritée de l’Abuela avec ses nombreux tiroirs de couleurs qui révèlent chacun un pan de l’histoire à sa petite fille, permet d’écrire l’histoire de cette famille.

Par contre ne cherchez pas le vrai du faux, cette histoire est totalement inventée ! 

Même la commode, c’est une idée à elle.

C’est bien parce qu’elle ne sait rien de sa propre histoire familiale, du fait du silence gardé par ses grand-mères, qu’Olivia Ruiz a écrit ce roman.

D’ailleurs au départ c’était le titre d’une nouvelle qu’elle avait écrit et qui est devenu un roman qui n’a plus rien à voir avec celle-ci. Mais la maison d’édition a conservé le titre, je vous le dis pour la petite anecdote (je sais que vous en êtes friands.es !), mais Olivia déteste ce titre.

Forcément ce roman a eu une résonance très forte chez moi, j’ai souvent pleuré d’émotion en tournant les page. J’ai immédiatement adopté dans mon cœur toutes ces femmes au caractère bien trempé et tellement attachantes.

“Je pense alors que je suis au bon endroit au bon moment, c’est idiot. J’aime ces signes qui donnent l’impression qu’un moment banal pourrait être un moment qui compte, un moment charnière. Du coup, j’en invente souvent.”

 

C’est aussi un beau témoignage sur la solidarité des femmes et leur courage et une réflexion sur le racisme.

Les migrants espagnols, italiens et portugais ont été aussi mal reçu sur notre sol que le sont aujourd’hui les migrants d’origine arabe ou africaine mais on a (déjà) oublié que ce fut aussi le cas.

Les régions du sud-ouest de la France ont accueilli beaucoup d’immigrés espagnols qui y avaient déjà de la famille et ce fut particulièrement poignant de suivre la longue traversée des Pyrénées à pied des 3 fillettes en sein d’un large convoi pour être ensuite placées dans des camps de fortune, la France étant alors dépassée par l’afflux massif de ces réfugiés.

 

“C’est mon deuxième retour, et le premier a déjà anéanti tout espoir d’être adoptée. J’ai depuis longtemps fait le deuil d’être l’une des leurs. Je suis plus sereine cette fois à l’idée de retrouver l’Espagne. Je compte bien profiter de tout ce qu’elle a à offrir et qui résonne si vivement en moi, sans la pression d’avoir à me faire accepter. Je n’ai plus rien à perdre. Pepita m’a donné de la force. Je ne veux pas finir enfermée dans l’amertume et le mutisme comme elle. Je ne veux pas que la folie m’aspire et que la gnôle me consume comme elle.”

 

Un beau roman sur l’amour maternel, l’amour de son pays et l’amour tout court !

A lire aussi sa très belle et poignante lettre d’adieu à son grand-père enlevé par le COVID 19 sans qu’il n’ait pu justement tenir sa promesse de tout lui raconter avant de partir, car il lui avait dit :“Moi je ne te laisserai pas d’écrit, je te parlerai, je te raconterai quand je sentirai que ma fin s’approche à pas feutrés de notre vie. Tu pourras me demander ce que tu veux, j’oserai sûrement laisser aller les larmes que j’ai retenues une destinée entière afin de répondre sincèrement à toutes tes questions.”

 

Bilan de ma lecture de « la commode aux tiroirs de couleurs »

 

« La commode aux tiroirs de couleurs » d’Olivia Ruiz est un petit bijou !

Une œuvre féministe, lumineuse, intense et émouvante qui aura certainement sa place dans le palmarès “Femmes prodigieuses”.

A lire avec passion ♥♥♥

 

A lire aussi – Idées lecture

 

Je pense en premier lieu à des livres de femmes, forcément ! La mère morte” de Blandine de Caunes, L’amie prodigieuse” d’Elena Ferrante ou encore La liberté au pied des Oliviers” de Rosa Ventrella.

Mais aussi à des lectures sur le poids de l’exil comme celui de Leïla Slimani “Le pays des autres ou cette très intéressante BD sur la traversée des Pyrénées par les réfugiés espagnols “Le convoi”.

 

La commode aux tiroirs de couleurs - Olivia Ruiz

 

 

2 Comments

  • ayok57

    Un livre que je lirai très certainement à l’occasion, tant ton article m’en donne envie (bon faut dire aussi que j’étais pas forcément réticente à la base lol).
    Ce n’est pas « mon » histoire, mais on vit tous malgré tout des déracinements à un moment ou un autre de sa vie, certains moins violents que d’autres, alors je pense que ça peut parler à tout le monde. Et en plus un livre de femmes sur les femmes: que demande (de plus) le peuple?!
    C’est triste de savoir qu’elle n’a pas pu avoir de réponses de son grand-père, quand même… Et s’il ne lui en a pas parlé avant, c’est vraiment que ça devait être quelque chose de pesant 🙁

    • Emma

      Coucou Anne-France 🙂
      Oui tu as raison, c’est un thème qui peut parler à tous bien sûr, le déracinement se vit parfois simplement en changeant de lieu dans le même pays ou avec des personnes qu’il faut quitter. Et puis l’histoire écrite par Olivia Ruiz est à son image, forte, généreuse et sensible. Oui c’est triste mais nous devons vivre souvent avec tout ce qui n’a pas été dit et pas forcément, là aussi, parce qu’il y a un exil dans l’histoire familiale. En même temps c’est parce que rien n’est jamais parfait dans les histoires humaines que c’est si passionnant. 🙂 Je t’embrasse ♥

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