Annie Ernaux - Livre-Le vrai lieu
Autobiographie,  Lectures

LE VRAI LIEU – Annie Ernaux

“Le vrai lieu“ d’Annie Ernaux est un livre d’entretien qui revient sur la vie de l’autrice et son rapport à l’écriture qui m’a passionné. J’ai regretté de ne pas avoir commencé ma découverte de celle-ci par ce livre qui permet véritablement de comprendre son œuvre.

Thème : Intimité, écriture, maison, Cergy-Pontoise, documentaire, féminisme, éducation, relation mère-fille, livres, romans, écriture, succès littéraire, racines, Annie Ernaux.

 

Annie Ernaux - le vrai lieu

 

 

Résumé de l’éditeur

 

“ »En 2008, Michelle Porte, que je connaissais comme la réalisatrice de très beaux documentaires sur Virginia Woolf et Marguerite Duras, m’a exprimé son désir de me filmer dans les lieux de ma jeunesse, Yvetot, Rouen, et dans celui d’aujourd’hui, Cergy. J’évoquerais ma vie, l’écriture, le lien entre les deux. J’ai aimé et accepté immédiatement son projet, convaincue que le lieu? géographique, social ? où l’on naît, et celui où l’on vit, offrent sur les textes écrits, non pas une explication, mais l’arrière-fond de la réalité où, plus ou moins, ils sont ancrés. »

 

Pourquoi  “Le vrai lieu” est un livre à lire

 

Pour mieux comprendre l’œuvre d’Annie Ernaux.

Pour l’intelligence de ses propos.

 

Mon avis sur “Le vrai lieu”

 

D’Annie Ernaux je ne connaissais que quelques titres mais que j’avais certainement lu trop jeune.

C’était les livres que lisait ma mère. Je ne comprenais pas vraiment ce sur quoi elle écrivait, ou plutôt, cela ne correspondait pas à l’idée que je me faisais de ma future vie de femme et d’adulte. Il m’en était resté cette impression que ce n’était pas pour moi.

Mais chacun sait que les adolescents pensent toujours mieux réussir que leurs ainés…

Alors avant de la lire à nouveau, j’ai eu envie de faire connaissance avec l’auteure et il m’a semblé que ce titre pourrait nous “réconcilier”. Bonne pioche !

Il ne s’agit pas d’un roman mais d’un documentaire tourné sur elle, dans sa maison à Cergy-Pontoise (son lieu autre que celui de l’écriture), qu’elle a retranscrit pour l’édition papier. On y découvre une femme à la fois d’une vraie simplicité, d’une finesse d’esprit et d’une intelligence rare.

Je traversais un moment un peu délicat et j’avais justement besoin d’un texte qui m’ancre dans quelque chose de plus exigeant, profond que ce que je lis d’habitude. J’avais envie d’une vraie réflexion sur la vie, le travail, l’écriture, qu’est ce qu’être femme, la famille, ce qui fait qui l’on est. Et tout y est !

J’ai été séduite et touchée par ses réponses à la réalisatrice Michelle Porte. Cela m’a également permit de mieux comprendre ses livres, ce qui avait totalement échappé à l’adolescente que j’étais et depuis, je n’ai plus qu’une envie, c’est d’en ouvrir à nouveau un.

 

Je n’ai jamais envie que le livre soit une chose personnelle. Ce n’est pas parce que les choses ne me sont arrivées à moi que je les écris, c’est parce qu’elles sont arrivées, qu’elles ne sont donc pas uniques.(…)Bien sûr, on dit les choses personnellement. Personne ne les vit à votre place . Mais il faut pas les écrire de façon qu’elles ne soient que pour soi. Il faut qu’elles soient transpersonnelles, c’est ça. C’est ce qui permet de s’interroger sur soi-même, de vivre autrement, d’être heureux aussi. La littérature peut rendre heureux.

 

Le texte prend pour point de départ cette maison où elle vit depuis 30 ans, à l’extérieur de Paris qu’elle rallie en RER (elle en a même fait un livre que j’ai déjà évoqué à l’occasion de ma chronique du livre d’Hugo Boris “Le courage de autres”). Cette maison qui est l’endroit où elle se sent chez elle et qu’elle n’a jamais ressenti le besoin de quitter.

On trouve cette idée d’un lieu à soi chez beaucoup d’autrices. Si, plus modestement, Virginia Woolf exprimait la nécessité pour toute femme d’avoir une pièce à elle pour travailler et créer, aujourd’hui les femmes plus indépendantes financièrement, parlent d’un lieu, d’une maison à elles qu’elles ne partagent pas forcément avec un homme (ou seulement le temps d’une histoire d’amour) et qui restent leur “chez elles’. Duras en parle très bien dans une vidéo. C’est évidemment quelque chose qui me parle beaucoup.

Aujourd’hui les femmes devraient avoir leur maison à elle et une chambre pour pouvoir héberger une amie dans le besoin. Pour moi, c’est probablement l’idéal.

 

Annie Ernaux rapproche ce lieu, qui est aussi celui où elle écrit, avec le lieu plus symbolique que représente l’écriture. Lieu qui lui permet de se projeter, de pouvoir chercher une forme pour dire les choses qu’elle porte en elle, de les extérioriser, l’écriture étant une nécessité et son vrai lieu, sa vraie vie. Elle partage son sentiment de ne vivre que lorsqu’elle écrit et de ne pas savoir ce qu’est être écrivain mais de savoir ce qu’écrire veut dire, de cet état qu’est l’écriture qui lui semble le seul vrai.

 

Je n’arrive pas à vivre réellement quand je n’ai pas de projet de livre en tête. Ou que le projet est trop flou. C’est une période de recherches mais ce n’est pas la vraie vie. La vraie vie, c’est quand je suis dans un livre dont je sais que je le finirai.

Un livre comme les années m’a littéralement envahie, pendant des années justement. J’étais prisonnière du texte, mais pas du tout avec un sentiment de limitation. Au contraire, de cette emprise venait un sentiment de puissance. J’étais dans le lieu où il faut que je sois.

Vous savez, le philosophe Clément Rosset dit : “Ne regardez pas en vous-même, vous ne trouverez rien.” Quand j’écris, je n’ai pas l’impression de regarder en moi, je regarde une mémoire. Dans cette mémoire, je vois des gens, je vois des rues. J’entends des paroles et tout cela est hors de moi. Je ne suis qu’une caméra. j’ai simplement enregistré. L’écriture consiste à aller à la recherche de ce qui a été enregistré pour en faire quelque chose. Faire un texte. Mais quelques fois, je me demande comment, quand il est fini, le texte a pu se faire.

 

Elle aborde ce qui est à l’origine de bon nombre de ses livres, elle livre sans tabou son intimité, la fracture sociale qui s’est installée avec ses parents, elle, la fille de la terre devenue une écrivaine reconnue. Elle ne cache pas la difficulté de se sentir un transfuge social, de ne se sentir véritablement à sa place nulle part, ni dans le microcosme du paris littéraire, ni chez ses parents.

 

Il faut que ce soit toujours un évènement de faire un livre, d’aller jusqu’au bout d’un livre. Que j’ai l’impression d’avoir vraiment fait quelque chose. Je pense que ce désir de faire est fortement lé à mon enfance, puisque travailler intellectuellement, ce n’était pas travailler, au fond. Pour mes parents, je ne travaillais pas, j’apprenais, pas du tout pareil. Travailler c’est travailler de ses mains.

 

Elle parle aussi de l’éducation atypique que lui a donné sa mère, sur le féminisme.

 

Bilan de ma lecture

 

“Le vrai lieu” d’Annie Ernaux est un livre d’entretien intime, qui donne des clés pour mieux comprendre l’auteure et ses textes. On a qu’une envie : ouvrir ses autres livres !

J’ai apprécié l’authenticité et la sincérité qui ressort de cet échange. Annie Ernaux ne se cache pas derrière son personnage d’écrivain, ni derrière des énigmes, c’est sans tabou.

J’ai trouvé très réconfortant de lire ses questionnements, ses réflexions, de profiter de son expérience, de son recul sur sa vie. De découvrir qu’elle-même cherche à comprendre qui elle est (on le fait tous, mais certains le font plus activement et plus en profondeur et authenticité. Souvent nous privilégions plutôt la fuite).

A lire si vous aimez les récits intimes, vous questionner et chercher des réponses, les questions sur le poids de nos origines, d’un lieu à soi, sur l’écriture et à mieux comprendre l’œuvre d’Annie Ernaux ♥♥♥♥

 

A lire aussi – idées lecture

 

Alors dans les livres que j’ai lu et qui semble incontournables, il y a La place (que je pense que je vais beaucoup mieux comprendre désormais) et Mémoire de fille”.

Par contre, j’avais beaucoup été touchée par “L’autre fille” dans lequel elle parle de la révélation qu’elle avait accidentellement eu de l’existence d’une sœur morte et regrettée, avant sa naissance.

Ce livre d’entretiens m’a donné envie de me plonger “Dans la femme gelée”,Les armoires vides” et bien sûr “Les années”, véritable livre témoin de 30 années, d’un véritable changement d’époque, les années évoquées n’ayant plus rien à voir (1950-1980).

Ahaha bon en fait désormais j’ai envie de tout lire et relire !

 

J’aime beaucoup les livres d’entretiens ou sur l’écriture

qui donnent à connaitre autrement un auteur ou une autrice.

C’est aussi votre cas ?

 

le vrai lieu - Annie Ernaux

 

 

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