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Roman autobiographique,  Romans

Suzanne – Frédéric Pommier

SQM (sourire quand même), c’est le mantra de Suzanne, la grand-mère de Frédéric Pommier dont il nous relate la vie exceptionnelle dans ce roman autobiographique engagé. C’est une belle leçon et une ode à la vie !

 

Thème : Famille, grand-mère, portrait de femme, couple, 20e siècle, féminisme, EPADH, maisons médicalisées, vieillesse, maltraitance, seconde guerre mondiale, témoignage, Frederic Pommier.


Suzanne - Frédéric pommier

 

Résumé de l’éditeur

 

“Suzanne est ma grand-mère, ou la vôtre. Suzanne est un symbole. Du haut de ses 95 ans, elle en a des choses à dire. Toute une vie bien remplie, dans la guerre ou la paix, dans les deuils ou la joie. Bébé, petite fille, adolescente, jeune mariée, femme, mère et maintenant vieille dame, elle raconte à son petit-fils ses souvenirs, mais aussi son quotidien. Elle lui dit que jamais elle n’a dérogé à son principe  » SQM « , Sourire Quand Même. Et ce n’est pas toujours simple. Surtout ces derniers temps. Alors elle veut du champagne, pour trinquer au temps qui passe, et au temps qui reste.
Sous la plume de Frédéric Pommier, entre rires et larmes, Suzanne devient une déclaration d’amour, une ode au respect, un plaidoyer pour faire de la vie une fête. SQM.”

 

 

Pourquoi lire “Suzanne” de Frédéric Pommier ?

 

Parce que c’est à la fois un roman autobiographique sur la vie assez exceptionnelle de sa grand-mère Suzanne, ses joies, ses passions, ses peines, son lent déclin et un tableau édifiant du traitement que réservent les établissements pour personnes âgées dépendantes à leurs pensionnaires.

 

Mon avis

Malgré les apparences difficiles du sujet (parler des EPADH de façon glamour pourrait sembler un combat perdu d’avance …), le livre de Frédéric Pommier se lit d’une traite. L’alternance entre le récit de la vie tourbillonnante de Suzanne et l’évocation de sa fin de vie permet un juste équilibre qui évite l’écueil du récit trop engagé ou larmoyant.
Non, Frédéric Pommier raconte en toute simplicité une vie vécue avec passion et douleurs, le lent déclin, la dépendance inévitable qu’entraîne l’âge (Suzanne a plus de 90 ans) et cette fin de vie dans l’oubli ou l’obscurité, cruellement symbolisée par ce volet électrique baissé que personne ne répare.
C’est l’occasion d’évoquer et d’interroger notre société sur le sort qu’elle réserve aux anciens que nous deviendront un jour.
Et j’avoue que cela m’a glacé le sang !
Je me dis que je n’ai aucune envie de vivre cette situation, tout comme l’énergique Suzanne pensait pouvoir y échapper.
Pourtant cette réalité risque de nous rattraper sans nous demander notre avis. Tout comme Suzanne pleinement consciente de son impuissance, ce doit d’accepter d’être infantilisée, bousculée, humiliée, voire maltraitée sans cesse par un personnel soignant au bord du burn-out, sans réelle bienveillance, empathie ou même considération pour ceux dont ils ont la charge.
J’avoue que j’ai fait un séjour prolongé à l’hôpital il y a quelques années et je partageais ma chambre avec une vieille dame à moitié paralysée. J’ai pu de visu constater cette tendance à l’humiliation. On avait fini par s’organiser pour se passer au maximum des services du personnel soignant, ça me faisait du bien de m’occuper d’elle et je ne supportais plus l’agressivité gratuite de beaucoup à son égard.
C’était à se demander pourquoi elles avaient choisi ce métier puisque manifestement il n’y avait aucune empathie et envie d’apporter un peu de bien-être aux autres. En fait, elles travaillent certainement avec un tel niveau de stress (car elles sont constamment en sous-effectif) que leur emploi finit par leur devenir insupportable et par les dégoûter de ceux-là même dont elles ont à assurer le bien-être.
Et c’est le problème de ces établissements qui doivent être rentables et où la personne âgée est considérée comme un produit et non plus un être humain.
Frédéric Pommier nous offre donc une réflexion sur le traitement que nous réservons à la vieillesse comme à la fin de vie et j’avoue que le tableau sombre et bouleversant qu’il dresse, invite à s’interroger sur le genre de société que nous acceptons de cautionner…

 

Je suis dépossédée de tout! Mes meubles, mon argent, mes goûts, ma liberté … » Après une pause, elle ajoute : « ma dignité ». Elle avale deux frites. « Et puis j’ai perdu vingt kilos ! Vingt kilos, tu le crois ?

“Depuis qu’elle a quitté son domicile, elle a perdu vingt kilos et moi, quelques grammes d’humour car Suzanne, c’est ma grand-mère. »

 

Quant à Suzanne, cette formidable et courageuse grand-mère dont il nous conte avec admiration et tendresse la vie passionnante, elle nous permet de traverser quasiment l’intégralité du 20e siècle (puisqu’elle est née en 1922).

On redécouvre les principaux événements marquants, ceux que l’on connaissait déjà et puis les autres.

Suzanne est une jeune femme sportive (elle joue très bien au tennis), curieuse de tout et avide de culture. Que dire de sa magnifique histoire d’amour avec Pierre (qui n’est pas pourtant pas son genre mais dont elle devine immédiatement qu’il est l’homme de sa vie) ? Elle le rencontre alors qu’elle n’est pas encore majeure et elle l’épousera pour le meilleur et pour mettre au monde quatre filles. Son émancipation soutenue par son mari, brillant avocat, qui lui permet de travailler à ses côtés et de passer des diplômes, lui permettra de s’en sortir financièrement quand il disparaîtra brutalement.

A noter le passage sur le rapport au plaisir physique que Suzanne ne connait pas car personne ne lui a jamais expliqué que les femmes y avaient droit. Cela paraît irréaliste aux femmes de ma génération et c’est pourtant si proche dans le temps… Suzanne se donne à son mari par amour et uniquement pour le rendre heureux parce qu’on lui a enseigné que les hommes en ont physiologiquement besoin. La question de son propre plaisir ne se pose ni pour elle, ni pour son mari d’ailleurs …

Suzanne qui échappera en se mariant jeune à une mère castratrice, amère, spécialiste des chantages affectifs au suicide et réussira quand même à vivre pleinement sa vie malgré la douleur de ne plus pouvoir voir son père.

Un bel exemple de résilience !

 

 Bilan

 

Un récit et un portrait passionnant, attachant, bouleversant et plein d’humanité qui m’a mis les larmes aux yeux en refermant le livre avec l’envie de dire quelle triste fin mais quelle leçon de vie !

Suzanne nous enseigne qu’il faut profiter de chaque instant de la vie car elle file très vite. Elle va me manquer !

Livre à lire si vous aimez les portraits de femmes et voyager dans le temps (pas si lointain) ♥♥♥

 

 

Suzanne - Frédéric Pommier

 

 

2 Comments

  • celine

    Coucou, j’ai lu ta chronique sur ce livre et elle me donne encore plus envie de le lire..Vis à vis de la fin de vie en EHPAD (ou j’ai travaillé en tant qu’aide-soignante pendant presque 10 ans), j’ai vu à quel point la vie des résidents peut être dure, triste et angoissante.
    Bien sûr, il existe de très mauvais soignants qui n’ont aucune patience et surtout aucun amour pour ce métier et pour ceux dont ils s’occupent au quotidien.

    Mais, malheureusement, la maltraitance institutionnelle, elle, est présente tous les jours (manque de personnel, manque de moyens, manque de considération des personnes âgées et du personnel, pas le temps..)

    Je m’étale un peu sur mon expérience mais depuis celle-ci je pense de plus en plus à mes proches et à moi même plus tard, est-ce qu’on y échappera? Je sais avant de l’avoir lu que ce livre va me bousculer, me parler et me faire quelque chose.

    Je te dirais mon ressenti après l’avoir lu.

    Bonne soirée 😉

    • Emma

      Coucou Céline,
      Je pense que tu vas retrouver tout ceci dans le roman car il le montre très bien. Combien même les soignants motivés se retrouvent pressurisés et finissent par n’en plus pouvoir eux-mêmes. Tant qu’on considérera la vieillesse comme dégradante et qu’on voudra continuer à la traiter en marge de nos sociétés, je crains que les choses ne changent guère, alors y échapper… Je sais déjà que pour mes parents je ne pourrais m’y résoudre maintenant que j’ai lu ce livre. J’ai de plus en plus de mal à accepter ce modèle de société comme acceptable à tout point de vue. J’espère que les choses vont bouger par la force des choses. Oui n’hésite pas à me faire ton retour !! :-)♥

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