Une petite robe de fête – Christian Bobin
Sommaire
« La petite robe de fête » de Christian Bobin est un recueil de 9 nouvelles oscillant entre poésie et réflexions sur la lecture, la fatigue, le travail, l’écriture, la vie….
L’auteur y aborde des thèmes universels tels que l’écriture, la lecture la solitude, l’enfance, ainsi que l’insouciance qui nous échappe, la fatigue de nos vies qui nous vole à nous-mêmes…
Résumé de l’éditeur
« Celle qu’on aime, on la voit s’avancer toute nue. Elle est dans une robe claire, semblable à celles qui fleurissaient autrefois le dimanche sous le porche des églises, sur le parquet des bals. Et pourtant elle est nue – comme une étoile au point du jour. À vous voir, une clairière s’ouvrait dans mes yeux. À voir cette robe blanche, toute blanche comme du ciel bleu.
Avec le regard simple, revient la force pure. »
2 adjectifs qui résument le livre
Simple : Parce qu’il n’y a rien de plus beau et vrai (mais aussi de plus difficile…) que la simplicité. Lorsqu’on lit Christian Bodin, c’est cette impression d’évidence qui s’invite.
Authentique : Christian Bobin écrit avec son âme, son cœur, son sens de l’observation et son immense bienveillance. Cela se sent et c’est pourquoi ses livres nous font tant de bien !
Ce que je pense de « La petite robe de fête »
Si vous ne connaissez pas encore le regretté Christian Bobin et son oeuvre, il n’est pas encore trop tard pour le découvrir.
Cela pourrait même changer votre vie que de le lire.
La simplicité, la belle simplicité et l’amour des mots de Christian Bobin !
Je crois qu’aucun auteur ne peut nous faire autant de bien que la lecture de ses livres.
« La petite robe de fête »est un titre qui m’évoque un parfum qui nous enveloppe de mots dont nous ne voudrons plus nous défaire !
D’ailleurs j’ai eu envie de souligner et d’enregistrer tant de passages de ce livre dans un coin de ma mémoire.
D’où vient ce génie de la langue, celui de savoir coudre ensemble des mots pour créer une étoffe d’émotions, de ressentis dont la douceur enveloppe l’âme pour nous aider à mieux affronter les frimas de la vie ?
Lire Christian Bobin, c’est mettre le temps sur pause, retrouver le sentiment d’être vivant.
C’est échapper à son destin d’homme fabriqué en série.
C’est percevoir de nouveau au contact de ces pages ce qu’est la lumière, la douceur d’un dimanche, une âme qui brûle, la solitude et la nécessité de la lecture.
“A quoi reconnaît-on les gens fatigués. A ce qu’ils font des choses sans arrêt. A ce qu’il rendent impossible l’entrée en eux d’un repos, d’un silence, d’un amour. Les gens fatigués font des affaires, bâtissent des maisons, suivent une carrière. C’est pour fuir la fatigue qu’ils font toutes ces choses et c’est en la fuyant qu’ils s’y soumettent. Le temps manque à leur temps. Ce qu’ils font de plus en plus, ils le font de moins en moins. La vie manque à leur vie. Entre eux-mêmes et eux-mêmes il y a une vitre. Ils longent la vitre sans arrêt. La fatigue se voit sur leurs traits, dans leurs mains, sous leurs mots. La fatigue est en eux comme une nostalgie, un désir impossible.”
Lire et relire ses nouvelles, c’est réfléchir sur la manière dont on conduit sa vie.
Et puis, il y souligne l’importance que la lecture et de l’écriture.
J’ai particulièrement aimé la nouvelle “Vie souterraine” : cette femme qui écrit la plaie de vivre dans des carnets, le soir, lorsqu’elle en a finit avec toutes les tâches de cette vie qui la tue.
“Qui entendrait la vraie réponse : je lis pour faire sa place à la douleur. Je lis pour voir, pour bien voir (mieux que dans dans la vie) l’étincelante douleur de vivre. Je ne lis pas pour être consolée, puisque je suis inconsolable. Je ne lis pas pour comprendre, puisqu’il n’y a rien à comprendre. Je lis pour voir la vie en souffrance dans ma vie (simplement voir). Oui, allez donc répondre ça. La douleur est dans la vie des femmes comme un chat qui se faufile entre leurs jambes quand elles repassent le linge, refont les lits, ouvrent les fenêtres, épluchent une pomme.”
“On est maintenu à l’intérieur de soi, entre les murs de la voix noire. Il n’y a plus que soi, bouclé dans le noir, serré dans le vide. On tourne les pages mais il ne s’agit plus de lire. Il s’agit d’autre chose, on ne sait quoi. Autre chose. On lit comme on aime, on entre en lecture comme on tombe amoureux : par espérance, par impatience. Sous l’effet d’un désir, sous l’erreur invincible d’un tel désir : trouver le sommeil dans un seul corps, toucher au silence dans une seule phrase. Par impatience, par espérance. Et quelquefois une chose arrive. Une chose comme cette voix dans le noir. Elle défait toute impatience, elle dément toute espérance. Ne cherchant pas à consoler, elle apaise. Ne cherchant pas à séduire, elle ravit. Elle porte en elle-même sa propre fin, son propre deuil, son propre noir. Elle s’expose à ce point que celui qui l’écoute, à son tour, se découvre sans abri, sans recours. Délivré de soi, rendu à soi. Plus la voix se noircit, et plus on y voit clair. Plus la voix s’exaspère, et plus on respire. On est sorti de toute littérature.”
Ces 9 petites nouvelles abordent poétiquement des thèmes qui nous parlent forcément.
Qu’il s’agisse de la fatigue, du travail, de la déshumanisation, de l’écriture, de la lecture bien sûr.
Mais aussi de la solitude, de l’enfance et de cette insouciance qu’il ne faudrait jamais lâcher.
Aucun doute, ce sont des nouvelles pour réfléchir et ne pas vivre sans âme.
Considérez-les comme une invitation au ralentissement et à la contemplation.
Bien évidemment c’est aussi une ode a la lecture : le prologue de ce recueil est sur ce sujet absolument réjouissant ou délicieux.
Allez je ne peux pas résister à vous mettre un dernier petit extrait.
Si ceux-ci peuvent vous décider à ouvrir un de ses livres, ou même à en offrir un, j’aurais rempli ma mission.
En tout cas, je remercie les personnes dont les chroniques sur Instagram m’ont décidé à me lancer dans sa lecture, je pense notamment à la délicieuse Olivia Zeitline dont les livres m’inspirent tant.
“ Il y a les riches qui ne touchent aucun livre. Il y a les pauvres qui sont mangés par la passion de lire. Où sont les pauvres, où sont les riches. Où sont les morts, où sont les vivants. C’est impossible à dire. Ceux qui ne lisent jamais forment un peuple taciturne. Les objets leur tiennent lieu de mots… »
« Dans la lecture on quitte sa vie, on l’échange contre le l’esprit du songe, la flamme du vent. Une vie sans lecture est une vie que l’on ne quitte jamais, une vie entassée, étouffée de tout ce qu’elle retient comme dans ces histoires du journal, quand on force les portes d’une maison envahie jusqu’aux plafonds par les ordures.”
Bilan de ma lecture de « La petite robe de fête »
Livre à lire quand on se sent perdu, qu’on a besoin de réconfort, de se poser, de mots justes, pour se reconnecter à soi et à l’essentiel.♥♥♥
C’est une lecture qui par son humanité et sa poésie n’a pas été sans me rappeler l’oeuvre d’un autre auteur, malheureusement disparu.
Je parle de Joseph Pontus avec « A la ligne » que je vous conseille aussi fortement de lire.
Avez-vous déjà lu un titre de Christian Bobin et lequel me conseilleriez-vous pour la suite ?
One Comment
ayok57
Merci Emma pour cette chronique qui me donne bien envie de lire ce livre 🙂