Impardonnable – Mathieu Menegaux : mon avis

Il y avait bien longtemps que je n’avais pas lu un titre de Mathieu Menegaux, celui-ci m’ayant envoyé son dernier titre “Impardonnable” (et je l’en remercie), ce fut l’occasion de renouer avec la plume de cet auteur.

A vrai dire je n’étais pas vraiment dans de bonnes dispositions pour lire un tel roman (je traversais une période difficile comme il nous en arrive tant), j’ai donc attendu le bon moment.

Les lectures doivent accompagner nos humeurs et non y contrevenir, à défaut de quoi les effets bénéfiques de la lecture ne s’activent pas.

 En attendant de vous en dire plus, je peux déjà vous révéler que j’ai lu ce roman d’une traite.

 

☆ Résumé du livre

 

Anna est une mère dévastée par la perte de sa fille, Lucie, sa petite luciole, renversée par un chauffard qui a pris la fuite.

Seulement à ses yeux, la justice a failli : elle n’a infligé qu’une peine dérisoire au coupable. elle est alors consumée par une rage vengeresse.

De l’autre côté, Paul est un cadre supérieur dont la vie bascule le soir où, après avoir trop bu, il renverse un adolescent en scooter et s’enfuit, paniqué.

Rongé par la culpabilité et poursuivi par la justice, il perd tout : sa femme et ses filles, son emploi et sa liberté.

Le destin les réunit dans le cadre de la justice restaurative, une approche visant à confronter victimes et auteurs d’infractions pour favoriser la guérison par le dialogue.

Mais le pardon est-il envisageable face à l’irréparable ?

Mathieu Menegaux nous offre une immersion intense dans les émotions contradictoires de ses personnages, interrogeant les limites de la justice et la complexité du pardon.

Mais peut-on tout pardonner ?

 

 

 

☆Pourquoi lire “Impardonnable” de Mathieu Menegaux

 

✨ Pour découvrir la justice restaurative

Je ne connaissais absolument pas ce procédé de justice qui « répare » au lieu de punir.

Les prisons débordent, et on sait aujourd’hui combien le simple fait de punir, de retirer de la société, est inefficace. La plupart des condamnés récidivent à peine sortis.

La justice restaurative s’inspire des pratiques des Inuits, pour lesquels restaurer l’harmonie, la paix, au sein de leur communauté après un trouble, est essentiel, car maintenir la cohésion et l’unité est vital pour leur survie.

Instaurée au Canada et en Belgique, elle donne des résultats inattendus auxquels la justice française ne s’intéresse encore que trop peu.

À travers le roman de Mathieu Menegaux, on voit évoluer les personnages (la victime et l’auteur de l’infraction) dans leur colère, leur culpabilité, la violence de toutes les émotions et sentiments ce qui peuvent les traverser, sans trouver en la justice une vraie solution pour les remettre sur la voie de la paix intérieure.

La justice restaurative offre un espace de parole, d’écoute mutuelle, qui permet de dire et d’entendre ce qui n’a pu se faire dans le cadre d’un procès.

 

✨ Pour l’immersion réussie dans les émotions et les sentiments des personnages

 

S’il y a un point fort à retenir dans ce récit en partie introspectif, c’est que l’alternance des personnages, Anna et Paul, nous permet d’entrer de plain-pied dans tout ce qui les traverse durant cette épreuve.

L’une est victime, puisqu’elle a perdu sa fille et est habitée par une rage qui la consume. Anna considère l’automobiliste qui lui a enlevé sa fille comme un criminel qui devrait être traité comme tel.

À contrario, Paul est dévoré par la culpabilité, par l’accident qu’il n’a pu éviter et dont il a fui les conséquences, réduisant sa vie à un champ de cendres. Deux souffrances qui ne peuvent se rejoindre et donc se comprendre par les protagonistes, car antagonistes.

La colère est l’une des étapes incontournables du deuil, et c’est vrai que le danger est de rester cristallisé dans cette phase et de ne plus savoir en sortir. Être en colère est une émotion salutaire mais ensuite perfide quand elle s’installe et devient dévorante.

C’est ce que vit Anna, et j’avoue que j’avais hâte qu’elle passe à la phase de reconstruction.

Par contre, j’ai vite développé beaucoup d’empathie pour Michel, car un accident est par nature imprévisible et peut arriver à tout le monde.

 

✨ Pour l’écriture documentée et rythmée

 

Pour moi qui adore apprendre à travers la lecture, j’ai forcément aimé ce roman.

Incisif, car il nous dévoile que, dans les faits, les délinquants de la route ne risquent pas grand-chose.

Il montre le paradoxe de la justice qui, depuis la loi Badinter, privilégie au civil la protection de la victime et automatise la prise en charge des dommages par les assurances, même quand le conducteur est fautif. Les condamnations au pénal aboutissant rarement à des peines lourdes. 

Mathieu Menegaux (qui a raté sa vocation d’avocat) prend un soin particulier et passionné à examiner ses « affaires » sous tous les angles juridiques pour nous offrir des romans d’une justesse et d’une précision assez rares dans ce domaine.

 

 

 

 

☆ Bilan de ma lecture

 

« Impardonnable » de Mathieu Menegaux est un récit poignant qui ne laisse pas indemne.

J’ai apprécié cette immersion dans l’intimité émotionnelle des personnages des deux camps et les questions personnelles qui en découlent.

J’ai été sensible à la découverte non seulement de la question du traitement juridique de la délinquance routière, mais aussi du principe de la justice restaurative.

L’écriture est fluide, immersive, soutenue, et l’alternance des voix des personnages rend le roman impossible à lâcher.

Un roman réussi qui plaira à ceux que les questions de justice passionnent, mais aussi à ceux qui aiment les thrillers, s’intéressent à la psychologie humaine, à la manière de surmonter les épreuves de la vie, ou encore à la gestion de la colère et du sentiment d’injustice qui parfois nous habitent.

Au final, la vraie question, est : Est-ce qu’à la place d’Anna je serais capable de pardonner ?

 

Je ne sais pas si tout est pardonnable comme l’avance Mathieu Menegaux.

Mais ce dont je suis certaine, c’est qu’il n’y a pas de paix intérieure tant que l’on n’a pas accepté ce qui nous arrive, tant qu’on reste cristallisé sur la colère ou l’idée de vengeance ou d’injustice.

Un accident est, par définition, un événement imprévisible, et ce roman montre que l’humain a ses propres limites.

Personne n’est à l’abri d’avoir un accident, et fuir reste un réflexe naturel lorsque nous nous sentons en danger.

Bien sûr, cela contrevient à cette fameuse responsabilité dont nous devrions tous faire preuve, mais dans les faits, c’est plus compliqué, car c’est toujours le jeu d’un arbitrage de quelques secondes (on le voit bien avec Paul qui est le pilier de sa famille et ne peut se permettre d’être défaillant envers celle-ci).

Je serais curieuse de savoir ce que vous en pensez …

 

Est-ce que cela fait de vous un salaud pour autant ? Je le croyais avant de venir ici. Mais j’ai l’impression que c’est plus compliqué que ça. Que, peut-être, vous êtes un homme après tout. Un homme qui a commis une erreur, mais qu’on ne peut pas résumer à cette seule erreur.

 

☆ A lire aussi – idées lecture

 

Les romans de Mathieu Menegaux ont un style unique reconnaissable en tous

Je vous conseille donc d’autres titres de cet auteur, sur lesquels vous pourrez aussi lire mes chroniques.

• Ce roman dont il est l’auteur et qui est une vraie claque : “Un fils parfait”
• Ou encore “Est-ce ainsi que les hommes jugent”

Et si vous aimez les romans qui se passent dans les tribunaux, je ne saurais trop vous recommander les thrillers d’un autre auteur que j’adore :

• John Grisham et ce roman qui a également été adapté au cinéma : “Le maitre du jeu “
  

 

Connaissez-vous cet auteur ?